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Diane Bertrand, réalisatrice du film L’annulaire
Article mis en ligne le 1er octobre 2006
dernière modification le 25 mai 2023
Diane Bertrand : L’annulaire
 
La réalisatrice Diane Bertrand a porté à l’écran le livre éponyme de la romancière Yoko Ogawa. L’annulaire ou l’histoire d’une jeune femme ayant perdu le bout d’un doigt à la suite d’un accident, qui travaille ensuite dans un étrange laboratoire consacré à la conservation. Deux formes d’une œuvre qui renvoie tant le lecteur que le spectateur à leurs propres questions.
 
© Franc-Parler

Franc-Parler : Vous avez beaucoup travaillé avec Jean-Pierre Jeunet ? Amélie peut-être ?
Diane Bertrand : Ça va faire un moment ! Non, Amélie, je n’ai pas du tout travaillé sur Amélie. Pas du tout. Non, j’ai travaillé avec lui…En fait quand je l’ai rencontré, à l’époque, j’étais chorégraphe et on a commencé à travailler ensemble sur des films publicitaires et des clips donc, il y a pas mal d’années. Il avait juste fait un court-métrage qui s’appelait Le bunker de la dernière rafale et on a écrit d’ailleurs ensemble un scénario qui ne s’était pas fait parce que c’était en même temps que Delicatessen et il a fait Delicatessen. Et à partir de là moi, j’ai fait un documentaire, enfin une sorte de making of sur Delicatessen. J’ai suivi évidemment le travail qu’il a fait derrière et surtout, le scénariste de mon premier long métrage que j’ai fait, Un samedi sur la terre est le scénariste d’Amélie Poulain. En fait c’est le même. Donc, il y a une familiarité, je dirais entre Amélie et mon premier long métrage qui a été fait bien avant mais sur le côté beaucoup plus noir. Il y a une construction narrative qui n’est pas très très loin. Et là sur ce film, sur L’annulaire, il était au courant que j’avais ce projet et il nous a soutenus mais on n’a pas du tout travaillé ensemble. Enfin, on ne travaille plus du tout ensemble depuis un bon moment. Maintenant, on se connaît très bien. On suit le travail de l’un et de l’autre.
 
L’annulaire

Franc-Parler : J’ai l’impression qu’il y a un petit côté d’Audrey Tautou dans le personnage. Est-ce que je me trompe ?
Diane Bertrand : C’est parce qu’il y a une très légère ressemblance parce qu’elle a une frange en fait à un moment donné. Quelqu’un m’a dit ça une fois alors que ce n’était pas du tout fait exprès. Et surtout elles sont très très différentes parce qu’Audrey Tautou ne dégage pas du tout la sensualité d’Olga (Kurylenko). C’est juste un personnage adorable dans Amélie précisément à qui il arrive une histoire complètement extraordinaire mais pour moi elles sont tout à fait différentes. Je connais les deux, c’est pas du tout les mêmes filles.
 
Franc-Parler : Ce choix de ce livre comme base de votre film, c’est dû à quel hasard ?
Diane Bertrand : Un pur hasard. En réalité, c’est une de mes amies qui savait que je cherchais un livre à adapter, qui un jour est tombée sur ce livre, vraiment elle, complètement par hasard avant de prendre le train. Elle l’a lu et elle m’a appelée en me disant : « Je viens de lire un livre absolument extraordinaire, il y a vraiment quelque chose de formidable, lis-le ! » Et puis, je l’ai lu une fois très vite et puis je me suis dit : « Mais c’est extraordinaire ! », je voyais le film. Et puis je me suis dit : I« l faut que je le relise » parce que c’est compliqué quand même. C’est japonais, je ne suis pas du tout japonaise. Donc, je l’ai relu et je me suis dit : « Il faut absolument que je fasse ça. » On s’est renseignés. Il a fallu trouver un producteur qui veuille bien prendre en charge la demande des droits et donc c’était une affaire assez compliquée parce que ce n’est pas du tout un univers français. C’est pour ça que je l’ai fait un peu à l’européenne, on va dire avec une coproduction allemande et anglaise. Il y a un peu des gens de partout dans ce film et voilà ça s’est fait comme ça.
 
L’annulaire

Franc-Parler : Est-ce qu’il y a des éléments japonais du livre que vous n’avez pas voulu transposer, que vous avez modifiés dans votre film ?
Diane Bertrand : Déjà, les acteurs ne sont pas japonais et ça ne se passe pas au Japon. Malheureusement, j’aurais bien aimé d’ailleurs, mais cela aurait été beaucoup trop compliqué. On ne pouvait pas. Donc, déjà ça, ça change un petit peu la donne. Ça, donne quelque chose de très particulier du fait qu’il y a un regard d’Européenne d’une part et puis c’est dans un contexte qui n’est pas du tout au niveau de la géographie…, qui ne correspond pas du tout au Japon. Mais en revanche, j’ai essayé de préserver au maximum tout ce qui me paraissait intéressant dans le film. Si ce n’est une ou deux scènes à la fin, il y a la mort de la vieille dame que je n’ai pas filmée. Je ne trouvais pas ça particulièrement intéressant pour l’histoire. Et puis surtout, j’ai rajouté tout un pan qui nous sort du laboratoire, qui est une sorte d’histoire parallèle qui donne du relief à l’histoire qu’elle vit avec l’homme du labo.
 
Franc-Parler : Dans le film, il y a peu de dialogues…
Diane Bertrand : C’est peu dialogué. Il y a pas mal de dialogues dans le film qui sont dans le livre d’ailleurs et c’est vrai que ça n’était pas particulièrement l’idée parce que j’ai essayé de respecter au maximum l’univers de Yoko Ogawa. C’est très lent, c’est vraiment un livre qui décrit une atmosphère extrêmement forte, très sensuelle. C’est très physique curieusement mais en même temps de temps en temps très lent et ça c’est très japonais. Donc, j’ai essayé vraiment de respecter ça et ça n’avait pas de raison d’être que ce soit bavard. Et surtout dans ses livres, il n’y a pas du tout de psychologie, enfin on n’explique pas les choses et donc moi j’ai fait pareil. C’est-à-dire que je suis restée dans cet état d’esprit de ne rien expliquer. Ce qui peut paraître déconcertant pour des esprits très rationnels comme les nôtres, comme nous les Européens. Pour les Japonais, je pense que c’est beaucoup moins un problème, j’imagine. Enfin ça, j’aimerais bien savoir ce qu’en pense une Japonaise en l’occurrence mais c’est tout à fait un livre, donc un film qui laisse le spectateur faire le voyage. Enfin, c’est vraiment une sorte de voyage pas initiatique mais disons, entre le conte…Il y a beaucoup de fantasmes, on ne sait jamais très si c’est réel, si elle invente ou pas tout ce qui lui arrive. Voilà, on accompagne un personnage vers une rencontre qu’elle fait de son désir, en réalité, c’est la confrontation à ça.
 
L’annulaire

Franc-Parler : Vous avez beaucoup travaillé la lumière, le côté pictural…
Diane Bertrand : Oui absolument. Parce que c’est vrai quand on lit le livre, ça s’y prête. Autant il y a certaines histoires qui ne nécessitent pas ce genre de choses, mais là véritablement…Enfin, moi je le ressentais en lisant. Donc, j’avais envie, comme je trouve qu’un film c’est aussi fait d’images, de sons…Voilà, ça s’y prêtait totalement, quoi ! J’avais très envie de le faire, de travailler dans ce sens là.
 
Octobre 2006
Propos recueillis : Éric Priou
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