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Le chanteur Boulo Valcourt et le tambourineur Azor
Article mis en ligne le 19 juillet 2019
dernière modification le 28 août 2019

Mieux vaut tard que jamais ?
Voici un article qui paraît un certain temps… après la réalisation de l’interview.

Boulo Valcourt et Azor - deux cœurs battants
 
L’ambassadeur de Haïti au Japon, Marcel Duret, a pris l’initiative d’inviter et de faire tourner ensemble deux pointures habituées des scènes internationales pour le cinquantième anniversaire des relations entre les deux pays. Lénord Fortuné dit Azor, le tambourineur à la voix puissante est le fondateur du groupe Racine Maupou de Azor qui porte sur scène la tradition vaudou sans recourir aux artifices d’instruments électriques. C’est en créole qu’il répond aux questions posées en français. Boulo Valcourt chanteur et guitariste, lui, est plutôt porté sur la recherche musicale et excelle dans différents genres. Pour ceux qui n’ont pu assister à un des concerts, il est toujours possible de se procurer l’album CD, fruit de cette collaboration : Sous Lakay.
 
Franc-Parler : Quel est le point de départ de ce disque ?
Boulo Valcourt pour Azor : Il dit que le Japon, c’est un pays qu’il aime beaucoup, que les gens l’aiment beaucoup. Alors avant de partir, il a voulu laisser quelque chose au Japon. Et c’est pourquoi il a voulu apporter ce disque.
 
Franc-Parler : Quels sont les morceaux qui ont été choisis ?
Boulo Valcourt pour Azor : Il a choisi les chansons que le public aime ici et parmi lesquelles il y a Sous kay la, une de ses compositions.
 
Franc-Parler : Vous chantez des compositions à vous mais vous chantez aussi des chansons traditionnelles de Haïti…
Boulo Valcourt pour Azor : Vous avez compris. Il y a des chansons qu’il prend dans le répertoire culturel haïtien et d’autres chansons que lui compose.
 
Franc-Parler : Quels sont les thèmes, les sujets des musiques traditionnelles de Haïti ?
Boulo Valcourt pour Azor : Il prend un exemple de Sous kay la. Les paroles disent que c’est la petite source qui va donner membre à la rivière. Et c’est à partir de cette petite source-là que la vie commence.. Et cette source-là qui traverse le village etc. Ce sont des chansons avec des messages comme ça. On parle de prendre des précautions, ce sont des conseils surtout. Et aussi, c’est une chanson guerrière où on parle de « fight » etc.
 
Franc-Parler : Vous êtes joueur de tambour. Parlez un peu de votre instrument, s’il vous plaît.
Boulo Valcourt pour Azor : Pour lui le tambour, c’est comme un membre de la famille. C’est comme sa fille aimée. Aussi le tambour, c’est le symbole de la musique haïtienne et c’est… Vous savez qu’en Haïti, nous avons aussi des problèmes et c’est à partir du tambour que nous puisons la force pour pouvoir tenir. C’est comme une source d’énergie et dès qu’il y a les tambours, tous les problèmes s’en vont. Et le « beat » pour nous, c’est le rythme du temps que nous possédons lorsque nous jouons du tambour. C’est comme si nous jouions avec le temps.
 
Franc-Parler : Je vais aussi parler maintenant à vous Boulo Valcourt. Vous êtes d’un style un peu différent au niveau musique. Parlez un petit peu de ce que vous faites.
Boulo Valcourt : J’ai une trajectoire assez différente des Haïtiens. Dès le début, j’ai commencé à jouer de la musique un peu troubadour [genre musical haïtien avec guitare acoustique] et après est venu le temps des yéyés où j’ai fait un peu de rock ’n’ roll. Et j’ai été aux États-Unis. J’ai fait du jazz. J’ai rencontré de grands guitaristes comme George Benson, on est devenus des amis. On a joué ensemble. Et j’ai monté un groupe en Haïti qu’on appelle le Caribbean Sextet qui marche très très bien. On a fait des tournées. On a été à New Orléans, au festival de New Orléans, on a fait une grande sortie. Moi, j’ai été à Curaçao, j’ai eu le premier prix du troubadour sur trente-sept pays au Festival international de troubadours. J’ai été premier la première année. La deuxième année, j’étais deuxième. Et maintenant je suis en train d’entrer dans un deuxième âge où j’accompagne mes amis. Et j’ai monté une fondation qu’on appelle la Fondation Boulo Valcourt qui travaille sur la promotion des jeunes talents haïtiens où nous faisons des recherches. Nous sommes aidés par le secteur privé, [ce] qui nous permet de préparer 2004 qui est l’anniversaire de notre indépendance.
 
Franc-Parler : Alors, vous vous retrouvez tous les deux au Japon…
Boulo Valcourt : Nous jouons depuis longtemps ensemble. Nous avons fait presque le tour du monde ensemble. Nous avons été en Afrique, en Amérique, au Japon, en Espagne, en France. Nous avons fait beaucoup de pays. Nous avons fait les Caraïbes, Martinique, Guadeloupe et nous avons fait l’Amérique du Sud aussi. Nous avons fait le Chili, nous avons fait la Colombie malheureusement pas encore le Brésil. Mais nous souhaitons, c’est notre rêve de pouvoir faire le Brésil. Bon, c’est un parcours intéressant et chaque fois qu’il y a une ouverture pour qu’on puisse se rencontrer, on le fait avec plaisir. Même si lui il a son groupe qui depuis son voyage, ne travaille pas d’ailleurs. Parce que vous savez, si on passe à deux, il est le leader de son groupe et moi aussi. Ça veut dire que pour pouvoir faire cette tournée, nous avons dû arrêter nos deux groupes en Haïti, qui sont des groupes très populaires. Parce qu’on pense que c’est quelque chose d’ important de pouvoir porter la musique haïtienne au-delà des limites du pays.
 
Franc-Parler : D’accord. Je vais revenir à [Azor]. On va alterner de toute façon les questions. Quand avez-vous commencé le tambour et pourquoi ?
Boulo Valcourt pour Azor : Il dit qu’il a grandi dans une famille… sa mère était musicienne, elle jouait avec son père dans le même groupe de troubadours. Et alors, il a grandi, il a cherché. Il a choisi, lui, le tambour. Et la famille jouait tout le temps avec eux à la maison. C’est à ce moment-là qu’il a cherché pour pouvoir se cultiver, pour pouvoir se perfectionner.
 
Franc-Parler : D’où vient votre nom Azor ?
Boulo Valcourt pour Azor : C’était un footballeur qui était très brillant qu’on appelait Azor. Lui, lorsqu’il était petit, son parrain chaque fois qu’il jouait tellement bien, son parrain lui disait : « Mais c’est Azor ! » Et puis le nom lui est resté.
 
Franc-Parler : Vous avez joué en Afrique. Quel a été…
Boulo Valcourt : Nous avons fait le Bénin, avec Azor aussi. Nous avons fait la Côte d’Ivoire. Et nous avons beaucoup aimé. Nous avons passé un séjour, nous avons passé peut-être trois semaines en Afrique.
 
Franc-Parler : Pour la musique donc de Haïti et de l’Afrique, comment ça s’est passé la rencontre avec les musiciens sur place ?
Boulo Valcourt : Je pense que ça a été pour nous une découverte extraordinaire. Et je dois faire une parenthèse pour vous dire que Haïti, étant donné que c’est un pays d’esclaves, on puisait dans toutes les tribus les gens les plus solides pour pouvoir les amener en Haïti. Alors Haïti a été la rencontre de plusieurs tribus. C’est pourquoi nous avons un rythme beaucoup plus diversifié qu’en Afrique. Et je me souviens encore, la dernière fois, la semaine dernière, nous avons rencontré des Africains qui nous ont dit : « Vous jouez mieux que les Africains ! » Et bon, ça ne m’étonne pas parce que toutes les tribus ont dû se mélanger. Et vous imaginez, parce que vous savez, en Afrique, c’est très clos et les tribus où rien ne traverse. Ça, c’est moi, ça c’est toi… Mais en Haïti, ça a été vraiment la fusion de tout ça et c’est pour pourquoi nous avons une richesse culturelle extraordinaire. Nous avons plus de cent cinquante rythmes différents qui viennent d’Afrique et que nous avons mélangés. Tout au long des années, nous les avons mélangés et améliorés.
 
Franc-Parler : Ce sera ma dernière question. Vous jouez dans le monde entier. Est-ce que vous avez joué dans le reste des Caraïbes, en dehors de Haïti. Dans les autres îles, comment ça se passe ? Est-ce qu’il y a des échanges ?
Boulo Valcourt pour Azor : Les Antilles sont d’accord que nous avons…, étant donné que nous avons pris notre indépendance très tôt et que nous avons eu tout de suite un blocus économique, ça nous a permis de tenir notre musique sans qu’elle soit parasitée. Et c’est pourquoi, je pense, que Haïti est indiscutablement le noyau de la culture africaine dans les Caraïbes.
 
Tokyo le 30 mai 2003
Propos recueillis : Éric Priou
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