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Arnaud Desplechin, réalisateur du film Rois et reine
投稿日 2006年7月1日
最後に更新されたのは 2023年5月25日
Arnaud Desplechin: Rois et reine
 
Deux destins, deux personnalités: Nora (Emmanuelle Devos) et Ismaël (Mathieu Amalric), deux genres burlesque et mélodrame, qui se croisent. Cela donne le Rois et reine du réalisateur Arnaud Desplechin (La vie des morts, Comment je me suis disputé…ma vie sexuelle) avec à la clé le Prix Louis Delluc 2004 et le César du meilleur acteur 2005.
 
©Franc-Parler

Franc-Parler: On dit que vous êtes le chef de file d’un nouveau cinéma français. Que pensez-vous de ce titre?
Arnaud Desplechin: On a dit ça il y a longtemps. On commence à l’oublier. J’en suis ravi. Je ne suis…C’est vrai que j’ai fait une école de cinéma et je crois que je n’aurais pas fait de cinéma si je n’étais pas passé par une école. Et donc, c’est vrai que mon premier rapport avec le cinéma, ça, ça a toujours été avec des gens de mon âge qui eux aussi voulaient faire la même chose que moi et donc j’aime bien les réalisateurs. Je n’ai pas de problème d’ego mais j’ai toujours eu l’habitude depuis que j’avais dix-sept ans d’être avec des gens qui voulaient faire la même chose que moi, qui ne pensaient pas la même chose que moi avec le cinéma. Du coup, j’adore pas du tout être un maître, mais au contraire un élève et apprendre de tel réalisateur différent, de telle génération différente. Peut-être que je suis un réalisateur cinéphile. Ça devient un peu rare en France.
 
Franc-Parler: Cinéphile, l’image du cinéma français à l’étranger…C’est une image un peu pure et dure?
Arnaud Desplechin: Ah non, le mot cinéphile en France, c’est très péjoratif à mon sens où ce serait comme une secte. C’est vrai que je ne fais pas toujours de distinction entre les films d’art et d’essai et les films populaires et les films américains, les films japonais ou français. Pour moi c’est pareil, je crois qu’aujourd’hui, je connais plus de réalisateurs étrangers que de réalisateurs français. Je n’arrive pas à voir la différence entre films populaires, pour moi, c’est tout pareil. C’est du cinéma où tout ce qui est pur et dur ce serait justement pas du cinéma, ce serait des arts nobles comme le roman, le théâtre. Ce qui est formidable avec le cinéma, c’est que c’est un art populaire. C’est ça qui est rigolo au cinéma, c’est d’utiliser les arts nobles pour fabriquer un divertissement.
 
Franc-Parler: Monter un film pour un réalisateur, c’est une entreprise un peu folle. C’est une tragédie dans certains cas?
Arnaud Desplechin: [rires] Ah non, non. Ça, le travail, c’est drôle. Si on s’ennuie dans le travail, les spectateurs, ils s’ennuient en regardant le film. Moi, je le pense. Je commence à voir des films en me disant: «Ils se sont ennuyés pendant le tournage», c’est mauvais signe, ça veut dire qu’on va s’ennuyer pendant le spectacle. S’il y a l’esprit de sérieux, on va s’ennuyer.
 

Franc-Parler: Vous avez eu l’appui de Catherine Deneuve qui a accepté de jouer un rôle de psychiatre. Qu’est-ce qui lui a plu dans ce projet?
Arnaud Desplechin: Je crois que c’est l’insolence de la scène. Je pense que c’est d’abord la scène, c’est le personnage. Je la connais un petit peu et elle était juste en train de préparer le Princesse Bonaparte qui avait été fait pour la télévision où elle jouait le rôle de cette femme qui est devenue une grande figure de la psychanalyse. Et ça l’amusait, la même année de jouer une psychanalyste [Marie Bonaparte] et une psychiatre. Ces deux femmes avaient un côté très insolent, moitié machiste, moitié ultra féministe. Sur la scène, est-ce que les femmes ont une âme ou pas d’âme? Que ce soit dans un film très libre comme ça, je crois que ça l’a amusée. Et après en regardant le scénario, j’avais remarqué qu’en fait, c’est qu’aucun des acteurs de Nora, ne connaissait les acteurs d’Ismaël. Chaque fois que je tournais avec la partie Nora, les gens me disaient alors c’est comment Ismaël? C’est triste? Ça se passe comment? Il y a juste deux personnages qui ont joué physiquement avec Devos et avec Amalric, c’étaient Deneuve et le petit garçon. Et j’ai dit à Catherine: «Je trouve que ce serait élégant pour les deux seuls acteurs qui vont faire partie des deux films de prendre l’actrice la plus connue de France et le jeune acteur le plus inconnu de France» puisque c’était son premier film. Elle a dit: «C’est pas mal si je suis à égalité avec ce petit garçon, ça me va très bien.»
 
Franc-Parler: Je voudrais prendre deux mots d’Ismaël: «Les femmes sont dans des petites bulles.» C’est de vous?
Arnaud Desplechin: Oui, j’écris les dialogues…«et les hommes vivent pour mourir». C’est des trucs, des blagues qu’on trouvait. Essayer de surprendre le spectateur, de faire rigoler, d’être insolent, de gratter là où ça dérange. C’est drôle parce que les garçons sont beaucoup plus embarrassés. Il est tellement misogyne que les garçons sont plus embarrassés que les filles qui adorent la scène. Ce qui fait toujours rigoler, ce sont des déclarations toujours à l’emporte-pièce en étant sûr de ceci, de cela, que les femmes ne…Et après quand on rencontre son psychanalyste [Elsa Wolliaston], on se rend compte que c’est une femme et qu’en fait c’est son dieu absolu, que c’est la femme qui le conseille qui l’écoute très attentivement et que c’est sa meilleure amie.
 

Franc-Parler: Vous tenez beaucoup compte des avis des acteurs?
Arnaud Desplechin: Je ne sais pas improviser. Peut-être si des acteurs me demandaient d’improviser, comme j’adore les acteurs, je leur dirais: «Écoutez, apprenez-moi, allons-y!» Mais jusqu’à maintenant, ils ont été contents avec ce que je leur proposais. Je leur dirais: «On peut faire autrement», moi, je ne sais pas bien comment on fait. J’ai lu dans des livres sur le cinéma américain et… J’ai toujours peur que l’improvisation soit trop au quotidien, trop réaliste. C’est vrai que plus les lignes sont fantaisistes, impossible à dire, il y a toujours un moment d’excitation. J’adore ça quand vous voyez les acteurs effondrés qui te demandent: «Comment est-ce que tu veux qu’on joue une chose pareille? C’est impossible.» En fait c’est d’essayer d’inventer dans l’espace avec les accessoires, avec les déplacements une façon tout à fait naturelle de dire des choses que dans la vie on ne dit pas. Et de le faire croire tout bêtement comme quand on raconte une histoire à un petit garçon et de voir la fierté des acteurs quand ils ont à dire des choses incroyablement violentes, incroyablement stupides dans le burlesque, d’arriver à le faire passer pour une chose tout à fait naturelle. Ça c’est une grande victoire pour eux. Mais ça suppose beaucoup de dialogue avec les acteurs. J’ai l’impression que mon travail, c’est le même travail qu’un acteur, je me mets à égalité avec eux. J’aime pas faire partie de l’équipe technique. Je suis avec eux, je suis pas mieux qu’eux, je suis pareil qu’eux.
 
Juillet 2006
Propos recueillis: Éric Priou
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