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Martin Provost, réalisateur du film Violette
投稿日 2015年11月17日
最後に更新されたのは 2023年5月25日
Dans son long métrage Séraphine, Martin Provost avait brossé le portrait de Séraphine Louis, une peintre autodidacte. Cette fois, c’est au tour de Violette Leduc, cette écrivaine contemporaine et “protégée” de la romancière Simone de Beauvoir, d’être racontée avec sympathie. Le destin, d’une femme, qui tout comme Séraphine Louis, après avoir connu finalement son heure de gloire, était tombée dans l’oubli.
 
Martin Provost
©Franc-Parler

Franc-Parler: Dans votre film Violette, vous avez fait le choix, aussi dans l’autre film avec Séraphine, vous avez fait le choix de filmer les vies de deux femmes. Est-ce le fait que ce soient deux femmes ou que leur vie ait été un peu difficile qui vous a motivé?
Martin Provost: Ce n’est pas le fait que leur vie ait été difficile qui m’a motivé, c’était l’intérêt déjà pour les œuvres, et l’œuvre de Séraphine, je l’ai découvert tout seul. C’est une amie à moi qui travaille à France Culture, à la radio, qui m’a appelé un jour en me disant: «Martin, il faut que tu t’intéresses à Séraphine.» J’ai dit: «Mais pourquoi?» Elle m’a dit: «C’est pour toi.» Et je me souviens, j’ai sauté dans ma voiture, je suis allé à Senlis où il y avait quelques tableaux exposés. J’ai vraiment eu un choc, je me souviens, quand j’ai vu les cinq, six toiles de Séraphine qui étaient là. Je me suis dit: «Mon dieu! Une femme de ménage qui peint ça.» Ça m’a vraiment troublé. Et là, je me suis intéressé au personnage. Alors après, évidemment en découvrant le personnage, je me suis dit: «C’est très intéressant de voir comment, à une époque donnée, une femme de ménage réussit à peindre, à traverser tous les interdits de son époque et à laisser une œuvre.» Et c’était la même chose pour Violette. Mais, comment dire, je ne cherchais pas à proprement parler… Enfin, les choses sont venues à moi. Moi, je traverse ma vie et les choses viennent à moi. Ça se passe toujours comme ça. J’ai «rencontré» Violette Leduc par l’intermédiaire de René de Ceccatty qui a écrit le scénario avec moi et qui avait publié un roman que j’avais écrit, un roman autobiographique, comme par hasard, juste avant que je fasse Séraphine. Et je rencontre René de Ceccatty et il me dit: «Je vais publier votre livre, qu’est-ce que vous êtes en train de faire?» Et je dis: «Je vais tourner un film sur Séraphine Louis.» et j’étais persuadé qu’il ne la connaissait pas puisque de toutes façons, personne ne connaissait Séraphine. Lui, savait très très bien qui elle était, parce qu’il avait déjà écrit un livre sur Violette Leduc et Violette Leduc adorait Séraphine. Et elle avait écrit un texte sur Séraphine que Simone de Beauvoir avait refusé pour Les temps modernes, que René de Ceccatty m’a donné. Quand j’ai lu le texte, je me suis dit: «Mais j’ai un autre…» C’était tellement beau. J’ai lu les livres de Violette et je me suis dit après: «J’ai un autre film à faire, c’est sur Violette.» Donc, les choses, je ne dirais pas, se sont enchaînées malgré moi, mais se sont petit à petit imbriquées les unes dans les autres. Et c’est en travaillant sur Séraphine et Violette que, je dirais, je me suis impliqué dans l’histoire de ces deux femmes.
 
ヴィオレット-ある作家の肖像- Violette
© TS PRODUCTIONS - 2013

Franc-Parler:: Violette Leduc est-elle actuellement très lue en France?

Martin Provost: Elle est relue , grâce au film puisque tous les livres ont été republiés. On ne trouvait plus Ravages, par exemple, qui était épuisé et puis elle était un peu tombée dans l’oubli. C’est vrai que le film a permis la réédition de toute l’œuvre et donc l’accès pour le public à tous les livres.
 
Franc-Parler: Vous portez dans ce film votre regard sur deux écrivains/écrivaines. Quel est pour vous le poids du livre?
Martin Provost: Le poids du livre, le poids de l’écriture, je dirais que c’est pas le poids, c’est l’inverse. C’est-à-dire, la capacité à transcender la réalité, à transformer la réalité ou à la remettre à sa juste place pour s’en défaire, pour s’en libérer et passer à l’étape suivante. C’est clair que Violette Leduc, à travers l’écriture, est la première femme à pratiquer ce qu’on appelle l’autofiction. Ce qu’aujourd’hui beaucoup de femmes pratiquent et beaucoup d’hommes aussi. Et à travers ce travail, elle va petit à petit, je dirais, faire sienne sa propre vie. C’est-à-dire, ne plus être en conflit avec, faire la paix avec les choses, et passer aux étapes suivantes. C’est-à-dire, pouvoir trouver sa place dans la société et dans la vie.
 
ヴィオレット-ある作家の肖像- Violette
© TS PRODUCTIONS - 2013

Franc-Parler: L’autofiction de Violette Leduc aurait pu permettre, suggérer des scènes différentes. Vous avez été très très sobre. Pourquoi?
Martin Provost: Ça, je pense que c’est ma façon de voir les choses. Quand j’ai étudié l’œuvre de Violette qui est considérée comme un écrivain un peu scandaleux, je me suis rendu compte que le scandale n’était pas si grand. Et que ce n’était pas ça qui était le plus intéressant chez Violette Leduc, puisqu’elle-même le dit: «Je suis un monologue, je suis un désert qui monologue.» Elle a passé sa vie dans une très grande solitude. Elle n’a pas eu une vie sexuelle si ardente, contrairement à ce qu’on pourrait croire. Elle a simplement écrit sa vie sexuelle, ce qui pour l’époque était totalement ou presque interdit. Mais elle a eu une vie d’une grande solitude, d’une grande, je dirais presque humilité et c’est ça dont j’ai voulu rendre compte.
 
Franc-Parler: Vous parlez d’interdit. Donc, petit à petit, les femmes ont eu de plus en plus de droits sur leur choix de vie. Est-ce que vous pensez qu’il y a encore des choses à conquérir?
Martin Provost: Je pense que c’est sans fin. C’est sans fin. Il y aura des retours en arrière, il y en a toujours eu. Oui, oui, la parité n’existe pas, puisqu’elle n’existe pas dans les salaires, en tout cas en France. Donc, il suffit déjà de regarder les salaires pour voir qu’il y a un problème. Les femmes ne gagnent pas autant que les hommes. On ne sait pas pourquoi mais c’est comme ça.
 
Franc-Parler: C’est la triste réalité. Mais bon, les actrices sont bien payées quand même!
Martin Provost: Oui, mais moins que les hommes. Ce n’est pas une question de gagner bien ou pas, c’est qu’il y a quand même cette réalité et ça continue. Enfin, évidemment que la vie a changé, que les femmes sont libres d’elles-mêmes, libres de leur corps, mais même l’avortement est souvent remis en question. En Espagne, il n’y a pas si longtemps, d’ailleurs Violette y était, et c’était très intéressant de voir à quel point les femmes étaient préoccupées par ça. Puisqu’il était question, à nouveau, de reréguler l’avortement, de l’interdire. Donc, ça revient tout le temps sur le tapis qu’une femme puisse disposer clairement de son corps et de sa sexualité et d’elle-même. C’est pas gagné. Enfin, on voit dans certains pays que c’est même pas gagné du tout. Donc, oui, oui, je pense qu’il faut continuer toujours à être très très vigilant. Même, on voit certains magazines, même en France, la marchandisation du corps. C’est toujours là, c’est toujours d’actualité et donc, il y a toujours des problèmes.
 
ヴィオレット-ある作家の肖像- Violette
© TS PRODUCTIONS - 2013

Franc-Parler: Séraphine et Violette, serait-ce le début ou les deux tiers d’une trilogie?
Martin Provost: Alors, j’y avais pensé et puis je m’étais dit: «J’aimerais bien trouver, faire un troisième portrait sur une musicienne.» Et puis je n’ai pas trouvé, pas trouvé une femme… Je n’ai pas trouvé. Mais j’ai d’autres projets, j’ai d’autres choses. En tout cas, je continue sur ma route. Je ne pense pas que je ferai un autre film sur une femme, sur une femme qui a eu une vie difficile, mais j’ai d’autres projets. Notamment sur un homme qu’on ne connaît pas.
 
Franc-Parler: Qu’on connaîtra par la suite, alors.
Martin Provost: Eh bien voilà.
 
Franc-Parler: Je change complètement de sujet. Auriez-vous des conseils à donner pour des apprenants du français? Comment apprendre le français ou se perfectionner en regardant des films?
Martin Provost: En enlevant les sous-titres. Je ne sais pas parce que si moi, je regardais un film japonais sans sous-titres, je comprendrais absolument rien. Mais je pense qu’en tout cas, en ce qui concerne le travail sur la langue, une fois qu’on a des rudiments, c’est sûr qu’il faut arriver à ne plus voir avec des sous-titres, quitte à ne pas comprendre. Par exemple, je me souviens, quand j’ai été acteur et quand on étudiait Skakespeare, on nous disait qu’il ne s’agit pas de savoir tous les mots, mais d’être dans un certain état de relâchement. Parce qu’en fait, la compréhension se fait. Je crois que c’est comme ça pour toutes les langues, je m’en rends compte. Quand on s’abandonne, on comprend et c’est au-delà des mots. Je crois que ça, ça fait partie d’une forme de calme à trouver, pour pouvoir appréhender l’autre et comprendre ce qu’il veut vous dire même au-delà des mots.
 
Juillet 2015
Propos recueillis: Éric Priou
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