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Philippe Baylaucq, réalisateur du film Le magicien de Kaboul
投稿日 2010年6月1日
最後に更新されたのは 2023年5月25日
Philippe Baylaucq: Le magicien de Kaboul
 
Cela pourrait ressembler au titre d’un conte des “Mille et une nuits”. C’est le fruit de la rencontre fortuite du réalisateur québécois Philippe Baylaucq et de monsieur Haruhiro Shiratori, un simple citoyen japonais dont la vie a basculé au lendemain du 11 septembre. Le réalisateur nous en retrace les grandes lignes.
 

Franc-Parler: Vous venez souvent au Japon?
Philippe Baylaucq: C’est le 6e voyage. Ça a toujours été fait pour présenter des films. Ça a commencé en 99 avec un premier film que je suis venu présenter dans un réseau d’universités. Ensuite en 2003 pour présenter un film pour enfants qui s’appelle Hugo et le dragon, l’été 2003. Et c’est à l’occasion de cette présentation-là qu’un matin en lisant le Yomiuri Shimbun, je suis tombé sur la Une du journal, sur une photo de monsieur Shiratori entouré d’enfants afghans. C’est en lisant ce très court article, à la fin duquel, il y avait un numéro de téléphone, puisqu’il faisait un appel à tous pour trouver un interprète entre le pachto et le japonais. C’est rare qu’on trouve des numéros de téléphone sur une Une de journaux. Donc, le destin m’a un peu tendu la main. Alors, j’ai demandé justement à Kimi Amano (Délégation générale du Québec à Tokyo) de loger un appel, ce qu’elle a fait. Et du coup, il a consenti à me rencontrer à New York 2 ou 3 semaines plus tard, la veille de la 2e commémoration du 11 septembre. Depuis ce temps-là, j’ai suivi son aventure et son projet.
 
Le magicien de Kaboul
©2008 Productions InformAction inc/Office national du film du Canada Tous droits réservés.

Franc-Parler: L’histoire ne se passe pas qu’à Kaboul…
Philippe Baylaucq: Le film a une histoire qui se déroule dans trois villes. C’est un peu un chant aux trois villes. C’est un film qui se déroule à Kaboul, à New York et à Tokyo. Finalement, ce qu’elles ont en commun, ces trois villes-là, dans l’histoire, c’est par filiation, le lien avec monsieur Shiratori et son fils. Mais il y a aussi le fait que ce sont trois villes qui, chacune, à un moment donné ont vécu un moment de violence ou de guerre. Le cas de New York est évidemment le 11 septembre. Dans le cas de Kaboul, 25 ans de guerre civile et puis, dans le cas de Tokyo, le bombardement de mars 1945 qui a mis la ville à flammes et qui a été un événement auquel monsieur Shiratori a survécu. Sa maison, non, ses parents en ont beaucoup souffert, ils sont décédés quelques années après. Ça a causé finalement l’éparpillement de sa famille. Il a perdu de vue ses 5 frères et sœurs quelques années après le bombardement. Et toute sa pratique, il était orphelin de guerre, c’est-à-dire, à partir de 13 ans, il était seul dans les rues de Tokyo. Donc, sa capacité à s’identifier à la réalité d’une bonne proportion des enfants qui errent dans les rues de Kaboul est directe. Ils ont vécu la même expérience.
 
Le magicien de Kaboul
©2008 Productions InformAction inc/Office national du film du Canada Tous droits réservés.

Franc-Parler: Vous êtes allé sur place à Kaboul pour filmer…
Philippe Baylaucq: Oui, à deux reprises: en 2004 et en 2006. Ça s’est très bien passé. J’étais préparé, j’avais de bonnes personnes sur le terrain. La première fois, j’avais bénéficié d’un bon contact que monsieur Shiratori avait déjà fait puisque lui, c’était son deuxième voyage. Lui, ayant fait son premier voyage en 2003 et puis, on a pu en une semaine voir quelles étaient les possibilités pour lui de réaliser son rêve, c’est-à-dire d’implanter dans un quartier de Kaboul, un centre pour la jeunesse, un centre culturel pour la jeunesse. Il faut savoir que monsieur Shiratori a perdu son fils unique dans les tours du World Trade Center le 11 septembre. Et qu’après une période de deuil de plusieurs mois, il a décidé d’essayer de comprendre un peu quelles avaient été les motivations de cette attaque-là et d’aller directement sur le terrain, d’aller en Afghanistan. Au moment où il était sur le point de partir, les Américains et l’OTAN ont attaqué l’Afghanistan pour chasser les talibans et Al Qaida et il a dû attendre. Pendant les quelques mois d’attente, il a décidé de suivre un cours pour devenir magicien. L’idée qu’il avait en tête, c’était de se trouver un moyen de communiquer avec les jeunes enfants qu’il espérait rencontrer dans cette ville. C’est ce qu’il a fait lors de son premier voyage. Alors, nous, lors de ce deuxième voyage, on a continué à explorer les possibilités de construire ce centre. On a rencontré des experts, des ingénieurs, on a fait une visite de chantier et monsieur Shiratori a poursuivi cette quête depuis parce que rien n’est simple à Kaboul.
 
Franc-Parler: Il y a des troupes canadiennes en Afghanistan et c’est un sujet important pour le Canada…
Philippe Baylaucq: C’est quelque chose qui est soulevé très souvent dans les médias naturellement quand un pays est en guerre comme c’est le cas pour le Canada et les autres pays qui ont des troupes sur le terrain en Afghanistan. Effectivement, c’est le premier voyage, il y avait eu une semaine avant que j’y arrive une attaque à l’engin piégé qui a tué, je crois que c’est un ou deux soldats canadiens en plein centre de Kaboul. Alors la tension était assez élevée et puis il y avait beaucoup de troupes de l’OTAN ou ce qu’ils appellent les troupes de l’ISAF, ces troupes dont l’objet était de calmer le jeu et d’assurer un certain niveau de sécurité dans la ville et dans les provinces. Et effectivement, j’ai rencontré à plusieurs reprises dans les rues de Kaboul de mes compatriotes canadiens, québécois habillés différemment, curieux de me voir comme ça en train de les saluer. Un peu sur leurs gardes les premières fois et puis quand ils ont repéré l’accent, toujours un peu méfiants parce que c’était leur état dans cette ville, ils ont fini par nous dire bonjour.
 
Le magicien de Kaboul
©2008 Productions InformAction inc/Office national du film du Canada Tous droits réservés.

Franc-Parler: Vous avez plutôt commencé avec des films très très liés avec l’art n’est-ce pas?
Philippe Baylaucq: Oui, j’ai une filmographie assez variée. Je ne suis pas un cinéaste de genre mais plus un cinéaste de sujets. Je fonctionne par coups de cœur et j’ai fait des films sur l’art, j’ai fait des films d’art, pour enfants, plusieurs choses pour la télévision. J’ai fait des fictions expérimentales et puis là, j’avais le goût de faire un documentaire, un grand sujet. Comme plusieurs d’entre nous, devant l’horreur de l’événement du 11 septembre, on s’est retrouvés à se dire: «Mais comment classer un événement comme ça dans sa vie? Comment le comprendre?» Je pense que c’est le bon de toute expérience de guerre, clairement. Pour moi, comme bien des gens, j’étais troublé par cet événement et quand j’ai lu pour la première fois ce court article sur lequel je suis tombé par hasard à Tokyo, sur monsieur Shiratori, j’ai été très inspiré par son histoire. Quelqu’un qui envers et contre tout, une espèce de Don Quichotte du début du XXIe siècle qui essaie d’aller rencontrer “les forces de l’ombre” qui avaient été responsables de la mort de son fils unique et d’essayer de briguer une forme de paix avec eux. Un geste humanitaire et tout à fait idéaliste.
 
Juin 2010
Propos recueillis: Éric Priou
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