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Frédéric Toutlemonde, éditeur du magazine de bandes dessinées Euromanga
Article mis en ligne le 1er septembre 2011
dernière modification le 23 mai 2023
Frédéric Toutlemonde : Euromanga
 
Au pays où le manga est roi, il n’est pas aisé, pour d’autres genres du neuvième art, de faire leur place au soleil. Pour faire découvrir de nouveaux univers graphiques et narratifs, Frédéric Toutlemonde a lancé en 2008 la revue Euromanga qui publie en japonais des œuvres de grands noms de la bande dessinée européenne, en particulier franco-belge. Une initiative en train de créer des émules.
 

Franc-Parler : Vous êtes l’éditeur d’Euromanga. Pour créer un magazine de bandes dessinées, on a déjà un pied dans la bd ?
Frédéric Toutlemonde : Oui, en fait, j’ai commencé en 2003 à travailler au sein de l’ambassade de France comme responsable de la promotion entre autres du livre français au Japon. Ce qui m’a permis d’avoir pendant deux ans des contacts avec les éditeurs japonais. Et il s’est avéré qu’une de mes passions, c’était la bande dessinée, parce que je dessinais un peu à l’époque aussi. J’avais eu l’occasion de soumettre quelques dessins à des éditeurs français. Donc, c’était un milieu que je connaissais déjà un petit peu par mon approche un peu amateur. Il m’a paru intéressant pendant deux ans de travailler en particulier sur la promotion de la bande dessinée au Japon puisque c’étaient ces deux points forts culturels français et japonais qui ont énormément de potentiel. Le potentiel du manga en France est avéré et prouvé mais la bande dessinée a aussi énormément de potentiel au Japon. Et c’est pour ça que j’ai poussé pour qu’il y ait un peu de bande dessinée qui sorte au Japon. On a eu quelques résultats mais c’était encore assez insuffisant. Il y avait une vraie prise de risque et j’ai décidé plutôt que de tanner les éditeurs japonais frileux de la prendre moi-même. C’est comme ça que le concept d’Euromanga est né.
 
Franc-Parler : Quel est l’accueil de l’arrivée de ces bandes dessinées ?
Frédéric Toutlemonde : L’accueil a été plutôt bon même si évidemment, m’étant monté en petite société, petit éditeur, j’ai confié la gestion et la distribution à un éditeur déjà bien placé qui s’appelle Asukashinsha, mais étant un peu tout seul, je n’ai pas la force des grandes maisons d’édition pour faire ma promotion. Donc, c’est vrai que l’arrivée a été un peu une arrivée surprenante pour beaucoup de gens. Au final, les premiers numéros se sont plutôt bien vendus. Et surtout de très très bonnes critiques au niveau de la qualité du livre et des séries présentées, un vrai intérêt de toute une partie de lecteurs que je voulais avoir qui étaient les graphistes, les gens qui travaillent dans l’univers du visuel au Japon. Bizarrement, c’est moins les gens intéressés par la culture française que les gens intéressés par le dessin ou le graphisme qui font mes lecteurs actuellement sur Euromanga.
 

Franc-Parler : Comment choisissez-vous les bandes dessinées que vous éditez au Japon ?
Frédéric Toutlemonde : C’est un mélange de mes choix personnels, des choix des lecteurs ou plutôt des précurseurs parce que les lecteurs, il y en avait vraiment peu il y a encore trois ans. Les effectifs commencent un peu à monter heureusement, mais il y avait quand même quelques personnes qui connaissaient un peu la bande dessinée et qui notamment m’ont recommandé de publier Nicolas de Crécy. C’est l’auteur de Bibendum Céleste. C’est vraiment le titre qui a eu le plus de succès parmi les différentes séries présentées et ça s’est traduit par la sortie en novembre dernier d’un recueil de l’ensemble des œuvres, l’intégralité de Bibendum Céleste en un seul album qui a bien fonctionné.
 
Franc-Parler : Ce sont des publications très luxueuses…
Frédéric Toutlemonde : Oui, c’est un papier effectivement glacé. C’est quelque chose qui ne se voit pas beaucoup au Japon puisque le manga japonais, c’est quand même avant tout un produit. Un produit avant d’être une création, donc ça suit le processus d’une production de cinéma, avec tout un staff, une répartition du travail, un auteur mais qui est complètement assisté jusque dans la réalisation du dessin par une équipe d’assistants qui travaillent dans l’ombre. Donc, on est sur des choses très différentes. Je voulais qu’on ressente la bande dessinée non pas comme une production, mais comme une création, une création artistique.
 
Franc-Parler : La couleur et la traduction apportent-elles des difficultés supplémentaires à votre travail d’édition ?
Frédéric Toutlemonde : La couleur n’apporte aucune difficulté supplémentaire. J’ai la chance d’avoir un très bon imprimeur qui utilise une nouvelle technologie d’impression. Les couleurs ressortent vraiment très très fidèlement par rapport au fichier original. Pour la traduction, c’est plus compliqué. Il y a une vraie difficulté à retranscrire du dialogue, surtout du dialogue de bande dessinée, dans les bulles. C’est surtout l’interprétation et le dynamisme ou l’ambiance qu’on va réussir à recréer, sur la traduction, donc un vrai travail de réécriture à faire qui peut poser de vrais problèmes. Notamment dans les séries que j’ai choisies où il y a Le Bibendum de Nicolas de Crécy qui est une œuvre très compliquée, en français très obscur. C’est quelqu’un qui adore le surréalisme, donc, qui a un discours qui peut paraître très décousu, enfin qui demande vraiment une grande attention quand on le lit. Et sur la traduction, le traducteur, monsieur Hara a eu beaucoup de difficultés. Il s’en est sorti très bien avec beaucoup d’efforts.
 
Franc-Parler : Conseillez-vous la lecture d’Euromanga à des apprenants du français ?
Frédéric Toutlemonde : Malheureusement, je ne laisse que très très peu de texte en français dans Euromanga. Pour les personnes souhaitant vraiment se concentrer sur l’apprentissage du français, je leur conseillerai plutôt d’essayer, à la suite de la lecture d’Euromanga, si certaines séries les intéressent, de lire les versions originales en français pour éventuellement avoir justement cet appui, pour profiter du travail qui a été effectué par les traducteurs, pour voir comment peut se réaliser une traduction de bande dessinée vers le japonais.
 

Franc-Parler : Pourquoi y a-t-il cette méconnaissance, ce désintérêt éventuel ?
Frédéric Toutlemonde : Je pense qu’il y a eu au Japon quelques tentatives timides de publication de bandes dessinées dans le passé, dans les années 80, malheureusement qui se sont soldées par des échecs. Je pense qu’il y avait un problème de timing. À savoir que la bande dessinée elle-même a suivi un processus très long et très riche à la fin des années 1970, qui a vraiment rebondi dans les années 90 pour atteindre sa maturité dans les années 2000. Et je pense que l’effort qui a été mené à un certain moment pour présenter la bande dessinée a été soit trop tard soit trop tôt. Soit il fallait le faire dans le milieu des années 70, soit il fallait attendre le début des années 2000. Ça s’est fait au milieu des années 80 jusqu’au milieu des années 90. C’est un moment où la bd se cherchait beaucoup en France et les choses qui ont été tentées n’étaient peut-être pas très accessibles ou en tout cas pas forcément aussi intéressantes que peut l’être actuellement le catalogue de bandes dessinées français contemporain.
 
Septembre 2011
Propos recueillis : Éric Priou
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