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Jean-Marc Carité, éditeur du Guide du vin bio
Article mis en ligne le 1er avril 2006
dernière modification le 23 mai 2023
Jean-Marc Carité : le guide du vin bio
 
Depuis 1971, l’écologie et l’agriculture biologique ont en France, leur maison d’édition spécialisée : Utovie fondée par Jean-Marc Carité. Il est aussi un spécialiste du vin bio.
 

Franc-Parler : Vous êtes installé dans un petit village…
Jean-Marc Carité : Un tout petit village, oui. Il y a 220 habitants. Nous faisons ce qu’on appelle un métier urbain, éditeur de livre, journaliste ; ce sont plutôt des métiers qu’on retrouve en ville, mais je ne conçois pas de travailler en dehors de la nature. Donc, j’ai tout de suite, dès 1971, créé une maison d’édition et je l’ai installée à la campagne. C’était une logique cohérente.
 
Franc-Parler : Pour votre Guide des vins bio qui paraît tous les deux ans, comment faites-vous le choix des dégustations des vins que vous présentez ?
Jean-Marc Carité : Le principe que nous avions jusqu’à présent, parce que jusqu’à présent, nous étions le seul guide des vins bio pour la France, c’était de présenter au moins l’adresse de tout le monde, c’est-à-dire d’être complet. À partir de là, les vignerons qui le souhaitaient, pouvaient présenter des vins à la dégustation. Donc, il y avait d’une part une volonté de rassembler l’ensemble des adresses des producteurs de vin bio français qu’on a élargi un petit peu à l’Europe : l’Italie, l’Espagne et le Portugal au fil des années. Toutes ces adresses-là, pour que les consommateurs disposent d’une sorte d’annuaire du vin bio et d’autre part, de présenter d’une façon critique et œnologique les vins des vignerons qui le souhaitaient. Il y avait les deux aspects. Ça, c’était jusqu’à cette année. Et puis cette année, le vin bio ayant de plus en plus de succès, deux autres guides sont parus, un aux éditions Marabout, un aux éditions Solar. Et à partir de là, notre rôle, voire notre devoir de présenter d’une manière complète la production française de vin biologique n’est plus pertinent puisque d’autres guides existent. Donc, sur le Guide 2006-2007 qui va paraître au mois de mai, nous présenterons toujours l’ensemble des gens qui font du vin bio en France, mais d’une manière beaucoup plus limitée et nous privilégierons ceux qui nous semblent avoir une démarche éthique et cohérente.
 

Franc-Parler : Quelles étaient les motivations des premiers producteurs bio ?
Jean-Marc Carité : Chez les premiers producteurs bio, c’étaient des raisons de santé humaine et de santé de l’environnement. Il est frappant d’ailleurs de constater que très nombreux sont les agriculteurs qui sont passés à la bio dans les années 1950, 1970-80 parce qu’ils avaient eu des problèmes de santé liés directement aux pratiques agricoles chimiques et à partir de là, une remise en cause de leurs pratiques agricoles. Alors, c’est aussi évidemment, le souci d’avoir un environnement protégé.
 
Franc-Parler : Peut-on distinguer un vignoble bio d’un autre ?
Jean-Marc Carité : Oui, c’est très flagrant parce que vous savez que les viticulteurs en biologie s’interdisent les désherbants chimiques. Les viticulteurs en chimie, utilisent des désherbants chimiques. Quand on passe un désherbant chimique, on a très rapidement des herbes jaunâtres qui sont au pied des vignes. Dans les vignes bio, il y a de l’herbe qui reste verte parce qu’on maintient un enherbement minimum pour la qualité et l’équilibre du sol. Et ça visuellement, c’est frappant. Maintenant d’une façon plus sensorielle, si quelqu’un a l’occasion d’aller dans des vignes avec un vigneron, il faut sentir la terre. Et vous prenez une poignée de terre d’une vigne chimique dans la main droite et une poignée de terre bio dans la main gauche et vous sentez. Et là, vous sentirez la différence. La vigne bio va sentir l’humus, va sentir la campagne comme on l’aime et la terre de la vigne chimique ne sentira rien du tout : c’est devenu une matière neutre, une matière non vivante.
 

Franc-Parler : Peut-on reconnaître au goût un vin bio d’un vin classique ?
Jean-Marc Carité : Parlons de ce qui est comparable. Le vin bio est forcément un vin artisanal jusqu’à présent, on a l’industrie qui arrive aujourd’hui. On va parler des vins dans la même catégorie. Si on parle des vins qui sont faits avec conscience par les producteurs, le producteur bio et le producteur conventionnel vont respecter le cycle naturel du vin. Le producteur bio n’ajoutera pas de produit chimique et le producteur chimique pourra rajouter s’il le faut des produits chimiques. Mais la démarche artisanale fait qu’on aura au bout du compte un vin qui aura, on va dire, à peu près les mêmes expressions sensorielles. Par contre, c’est à l’analyse qu’on verra s’il y a des produits ajoutés ou pas. Mais il est assez difficile de constater, simplement par la dégustation qu’un vin est issu de la bio ou pas. Par contre, si un vin est puissant en bouche, s’il a beaucoup d’arômes, s’il est un peu épais, qu’il a des tanins, s’il a de la durée d’arôme, si ce vin vous laisse une impression de souvenir assez marquant, si ce vin a de la personnalité, c’est-à-dire que ce vin n’est pas passe-partout, il y a de fortes chances pour qu’il soit issu de la bio. Parce que la bio respectant l’ensemble de la nature par ses procédés naturels de vinification, le produit n’est truqué nulle part et il est très personnel. En conventionnel, en chimie, on arrive à des vins tellement banalisés qu’on peut passer d’un vignoble à l’autre sans faire de différences.
 
Franc-Parler : Faut-il conserver d’une façon différente sa bouteille de vin bio ?
Jean-Marc Carité : Il faut savoir qu’en vinification bio, on autorise l’utilisation du SO2, c’est-à-dire de l’anhydride sulfureux, ce qu’on appelle le soufre pour parler rapidement, en doses très limitées. C’est le seul conservant chimique autorisé en bio mais les doses utilisées sont 4 à 6 fois inférieures aux doses conventionnelles et ne sont pas dangereuses pour la santé. Cela dit, de plus en plus de bios se passent de conservant artificiel parce qu’au départ la matière première est meilleure, le raisin est mûr quand il est vendangé. Donc, il a ses sucres, il a son acidité naturelle, ses tanins naturels qui sont 3 éléments de conservation intrinsèques du vin. À partir de là, c’est un produit fini qui contient en lui même ses propres conservants, naturels. On n’a pas besoin de rajouter des choses au contraire du conventionnel, qui va être vendangé sans maturité, dont on a retiré les tanins pour faire un vin facile à boire et dont on va gommer l’acidité parce qu’on pense que l’acidité, ça déplaît au public.
 
Franc-Parler : Est-ce qu’il y a un portrait type du consommateur de vin bio en France ?
Jean-Marc Carité : Pour simplifier, on va en mettre deux. Le premier, c’est celui qui consomme bio parce qu’il ne consomme que du bio. Et je dirais à la limite que ce n’est pas forcément un bon dégustateur de vin, c’est quelqu’un qui veut consommer bio, pour la santé, pour l’environnement. Celui là, on lui ferait boire de la piquette bio, et cela existe, il y a des vins qui ne sont pas bons, il y a des vignerons qui ne sont de bons vinificateurs. Ce consommateur, il est prêt à la limite à manger n’importe quoi si c’est marqué bio dessus. Ce n’est pas un bon critère pour moi. Par contre, les gens qui recherchent vraiment les vins de caractère, des vins authentiques, des vins personnels, des vins qui ont une existence en tant que produits où on sent que derrière il y a un producteur qui n’est pas un producteur banal et standardisé, ces gens-là se tournent de plus en plus vers la bio. Il est frappant de voir qu’aujourd’hui dans les cartes de vins de la restauration, dès qu’un restaurateur se soucie d’avoir des produits authentiques, il a des vins bio à sa carte.
 
Avril 2006
Propos recueillis : Éric Priou
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