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L’auteur de théâtre Pierre Notte, Moi aussi je suis Catherine Deneuve
Article mis en ligne le 1er février 2007
dernière modification le 25 mai 2023
Pierre Notte : Moi aussi je suis Catherine Deneuve
 
Pierre Notte est un écrivain pour le théâtre comblé : sa pièce Moi aussi je suis Catherine Deneuve qui intègre une douzaine de chansons, également de lui, a reçu le prix Molière 2006 pour le théâtre privé. Le public de Tokyo n’aura qu’à attendre le début d’avril pour en découvrir la version japonaise de l’histoire déjantée et loufoque d’une famille qui se disloque.
 
©Aymeric Giraudel

Franc-Parler : Vous vous êtes lancé jeune dans le monde du théâtre…
Pierre Notte : J’ai écrit ma première pièce à l’âge de 13 ans parce que j’avais beaucoup de difficultés à lire moi-même particulièrement Kafka ou Camus. Alors j’ai décidé d’écrire moi-même, d’essayer de faire dialoguer les personnages parce que j’avais la plus grande difficulté moi-même à m’exprimer. Alors j’ai tenté simplement d’inventer un moyen de dialoguer, qui me protégeait un peu de mon incapacité à parler.
 
Franc-Parler : C’est un chemin direct ?
Pierre Notte : Non, il y a plusieurs métiers puisque j’ai été journaliste. En fait, j’ai écrit un roman qui a été publié par Maurice Nadeau. Ensuite, grâce à la parution de ce roman, on m’a proposé d’écrire dans la presse, notamment au Nouvel Observateur ou dans l’Événement du jeudi et mes connaissances en théâtre et ma pratique du théâtre ont fait que je suis devenu critique dramatique pour des magazines et des magazines spécialisés. J’ai suspendu pendant un temps mon activité d’auteur de théâtre parce que ça me paraissait incompatible avec la critique mais quand j’ai quitté mes activités de critique, je me suis consacré à nouveau à l’écriture théâtrale. Enfin, c’est-à-dire que j’ai continué à m’y consacrer mais j’ai davantage à ce moment-là fait circuler les textes que j’écrivais, que j’avais cachés jusque-là. Donc, il y a eu plusieurs métiers différents.
 
Franc-Parler : Vous êtes maintenant secrétaire général de la Comédie-Française. Pouvez-vous dire ce qu’est cette fonction, ce que vous faites à ce poste ?
Pierre Notte : En fait, c’est très simple. L’administrateur général de la Comédie-Française, donc la personne qui la dirige véritablement, qui est aujourd’hui Muriel Mayette a autour d’elle trois personnes. Une personne qui est très importante qui s’occupe de tout ce qui est juridique, administratif et financier, c’est très très lourd et une personne qui s’occupe de tout ce qui comporte la technique et les plateaux, tous les aspects contrainte technique de la Comédie-Française et une troisième personne pour tout le reste et c’est moi. C’est-à-dire que ça comporte l’accueil du public, les relations avec le public, la communication, les médias, la presse évidemment, les mécénats éventuellement. Et puis je travaille au côté de Muriel Mayette pour ce qui concerne la programmation, l’organisation de différents événements à la Comédie-Française, leur médiatisation, leur communication auprès du public et des professionnels. C’est tout ça à la fois.
 
Franc-Parler : Ce que vous faites en tant qu’auteur de théâtre et vos fonctions sont deux côtés complètement différents en fait ?
Pierre Notte : Oui, ça va être totalement marqué au mois de janvier parce que j’ai une pièce qui va être créée le 25 janvier au théâtre Tristan Bernard qui fait partie des théâtres privés parisiens, très importants, je crois et qui s’appelle Journalistes, petits barbares mondains. C’est un théâtre privé dans une production totalement privée qui est donc à l’opposé de tout ce que représente la Comédie-Française, qui est le premier théâtre public français. Je suis un auteur du théâtre privé. Moi aussi je suis Catherine Deneuve a été créée dans le théâtre privé et pas du tout dans le théâtre public. C’est comme si j’étais le docteur Jekyll et le monsieur Hyde dans les deux secteurs du théâtre français en fait.
 

Franc-Parler : À propos, est-ce que l’intéressée elle-même a vu cette pièce ?
Pierre Notte : Oui, Catherine Deneuve est venue, j’étais très impressionné. On l’attendait à neuf heures, elle est arrivée à neuf heures une, vraiment au dernier moment. Elle était placée au centre de la salle. Et donc, elle est arrivée, évidemment, tout le monde s’est levé : « J’ai vu Catherine Deneuve voir Moi aussi je suis Catherine Deneuve ! » Moi, je me suis dirigé vers elle pour me présenter à elle en lui disant que j’étais l’auteur. Elle m’a regardé en disant : « Ah bon ? » Et elle est partie dans la salle. Elle a assisté à la pièce et en fait elle était persuadée que la pièce l’attaquait et qu’elle reprenait des choses de sa vie privée. Et elle était très très heureuse de voir que ce n’était pas du tout le cas et qu’on lui rendait plutôt hommage à travers des personnages qu’elle incarnait au cinéma. Elle était très émue et très touchée. Donc, elle est restée avec nous ensuite après la représentation. Les acteurs n’étaient pas prévenus parce que sinon, ils n’auraient pas été capables de jouer. Donc, ils ont été très surpris à la fin de voir Catherine Deneuve qui ensuite a été très très chaleureuse, qui nous a dit des choses extrêmement aimables et qui a même accepté de répondre à des interviews pour le magazine Studio, pour la radio en parlant de la pièce, en faisant des critiques de la pièce, qui étaient des critiques très élogieuses. C’était évidemment très agréable. Elle m’a dit qu’elle trouvait que c’était vraiment une pièce de cinéphile et moi j’ai bafouillé. Mais je l’ai quand même embrassée et j’étais très ému.
 
Franc-Parler : Vous avez choisi Catherine Deneuve. Pourquoi elle, en particulier ?
Pierre Notte : Il y a plusieurs choses. La pièce raconte véritablement des crises d’identité, des gens qui ne se retrouvent pas dans ce qu’ils sont ou ce que la société leur a demandé d’être. Ici, personne ne s’y retrouve, ni la mère ni ses enfants. Et parmi ses enfants, il y a une jeune fille qui va choisir l’identification à une idole parce que c’est plus simple d’être quelqu’un d’autre que soi-même quelquefois. Et elle choisit d’être Catherine Deneuve parce que c’est de mon point de vue, aujourd’hui l’idole absolue. C’est-à-dire qu’elle n’a jamais cédé sur le terrain totalement privé. Elle reste avant tout l’incarnation d’un certain nombre de personnages qui appartiennent à l’histoire du cinéma de Truffaut, de Buñuel, de Jacques Demy, d’André Téchiné. Il y a tellement de personnages qui appartiennent à l’histoire de nos rêves et de notre culture qu’elle est davantage une idole aujourd’hui qu’une célébrité dont on sait ce qu’elle fait avec qui, qui elle fréquente, ce qu’elle pense et quoi que ce soit.
 
Franc-Parler : Au théâtre, vous avez beaucoup de rapports avec la chanson de type cabaret, qu’est-ce qui vous a attiré dans ce domaine ?
Pierre Notte : J’ai toujours écrit de la chanson. C’est une bulle de récréation, c’est une sorte de poésie qui n’aurait pas les moyens de s‘assumer toute seule. Et j’aime plutôt ça : la chansonnette, la ritournelle, l’air facile que l’on retient tous et qu’on chante tous ensemble. Ça me plait énormément parce que c’est simplement une réconciliation des individus à travers un petit objet d’une grande simplicité, d’une grande modestie. Et parce qu’au théâtre, ça permet de ne pas être dans un réalisme violent, dans une volonté d’identification.
 
Février 2007
Propos recueillis : Éric Priou
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