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La chanteuse Véronique Pestel
Article mis en ligne le 1er janvier 2008
dernière modification le 25 mai 2023
Véronique Pestel : Le chant des mots
 
Sans tambour ni trompette, mais seule au piano ou à deux pianos ou en quartette, c’est selon. Véronique Pestel, auteur compositeur interprète, mène sa voix depuis une vingtaine d’années jusqu’en Haïti ou au Japon où l’une de ses chansons vient d’être adaptée en japonais.
 
©Ulrich Schuwey

Franc-Parler : Vous êtes une artiste plutôt du côté Rive gauche…
Véronique Pestel : Oui… On va dire oui… C’est vrai que pour moi Rive gauche, ça fait très très longtemps et ça n’a plus cours. Il y a plusieurs chansons en France actuellement et c’est vrai que je ne pense jamais à me définir comme Rive gauche. Pour moi, c’est presque…Je pense à dire « la famille d’aujourd’hui », mais je ne pense pas à la famille d’hier forcément. Donc, il n’y a plus de Rive gauche aujourd’hui.
 
Franc-Parler : Je ne parle pas de vous en tant que dinosaure puisque vos chansons sont très actuelles…
Véronique Pestel : Oui, c’est pour ça. C’est comme si on disait à Anne Sylvestre qu’elle est une chanteuse de Rive gauche aujourd’hui. Pour elle, je suis sûre que ça ne voudrait rien dire malgré son âge. C’est-à-dire que que même des gens qui ont appartenu à la chanson Rive gauche, je suis sûre, ne s’en réclament plus aujourd’hui. Ça n’a pas de sens. Pour moi, ça n’en a pas en tout cas.
 

Franc-Parler : Vous êtes parfois très jazzy…
Véronique Pestel : Voilà, ça je sais faire. Mais je ne suis pas une pianiste de jazz, je ne suis pas une chanteuse de jazz. Je suis jazzy comme une chanteuse à textes est capable de chanter aussi bien un boogie-woogie qu’un tango, qu’une bossa-nova. Dans ce sens-là, je ne suis pas une spécialiste du jazz, par contre Michel Précastelli, oui. Dans le prochain spectacle ce sera plutôt mes chansons jazzy qu’on aura poussées à fond du côté jazz.
 
Franc-Parler : Vous avez plusieurs registres de voix. Dans un concert, vous mélangez chaque fois différents types de chants ?
Véronique Pestel : Oui, parce que c’est mes chansons qui sont comme ça mais c’est typiquement la chanson que vous appelez Rive gauche, que moi j’appelle à textes. Je reviens sur ce terme parce que c’est juste pour savoir de quoi on parle. Moi, je dis « chanson à textes » et je dis : « Ma famille, c’est Alain Leprest, Gilbert Lafaille, Michèle Bernard. » Voilà, c’est savoir de quoi on parle mais je pense vraiment qu’on parle de la même chose. La particularité de cette chanson-là, c’est qu’elle est très très musicale. Même si on l’appelle chanson à textes. Justement, on utilise beaucoup plus de variétés musicales que la chanson, par exemple rock, qui va utiliser guitare, basse, batterie et maintenant accordéon ; qui a beaucoup évolué, qu’on appelle un peu chez nous chanson de marins et qui est un mix entre la chanson et le rock. Elle va être plus variée que bien d’autres chansons qui ne vont avoir que deux, trois couleurs musicales. C’est vrai que dans la chanson à textes, on se sert de tout ce qui peut servir nos textes.
 
Franc-Parler : Vous aimez rendre hommage à différentes personnes, aux femmes aussi…
Véronique Pestel : Je pense que je suis inspirée par ce qui me ressemble. C’est pas tellement que je veux rendre hommage, c’est que j’ai envie de faire partager ce que j’aime. D’une certaine façon, c’est pas que de la bonté d’âme ou de la pédagogie. C’est aussi parce que c’est ma façon de parler de moi. Je crois vraiment en être donc je peux parler des femmes. J’aime parler de la vieillesse parce que le passage du temps est quelque chose qui m’a toujours énormément touchée comme beaucoup de gens. C’est des thèmes qui sont très banaux, les thèmes de la chanson bien sûr. Je vais parler des poètes parce que c’est aussi de ce côté-là que j’habite. Je pense que c’est une façon de ne pas dire trop « je ». Et quand je parle de Vanina, quand je parle de Jeanne Hébuterne, cette femme de Modigliani, je conclus en disant : « Voilà une chanson pour ceux dont on ne parle pas. » Je parle aussi de toute ma vie d’artiste pas médiatisée. Et je dis “je” à travers ça. Par contre, je parle aussi des gens qui sont à côté des artistes et qui ont souvent une position très ingrate. Je parle de deux choses qui me touchent moi, en parlant d’Hébuterne et de Modigliani.
 

Franc-Parler : Les voix, les sans voix, la parole, ce sont des thèmes que l’on retrouve assez souvent dans vos chansons et les titres d’albums…
Véronique Pestel : C’est pour ça que je dis chansons à textes et c’est ma façon à moi de dire les choses. Même dans le prochain spectacle qui sera beaucoup plus vocal et plus musical que les autres, je suis en train d’écrire des textes très très très… des textes quoi ! C’est pas trois mots qui vont se battre en duel, ça c’est une soupe musicale. Ça va vraiment être des textes. J’ai du mal à sortir de ça. Là encore, je crois que c’est parce que moi, j’ai besoin des mots. C’est pas que je crois que les mots sont importants forcément pour les autres.
 
Franc-Parler : Votre musique, vos chansons sont plutôt des œuvres à écouter, plutôt qu’à rechanter par les auditeurs ?
Véronique Pestel : Si, je pense que ce sont des œuvres à chanter. Oui au contraire, parce qu’on rentre mieux dedans quand on les chante et puis là c’est vrai que maintenant les gens en France aiment chanter beaucoup. Il y a beaucoup d’ateliers chant, de ce que vous faites au Japon. En France, ça a lieu aussi, c’est-à-dire que des gens ont envie de chanter pour leur plaisir, pour leur développement personnel, pas forcément pour faire carrière mais parce qu’ils vont faire ça comme de la danse ou du taïchi. Et donc, il y a beaucoup d’ateliers qui me demandent mes chansons et pas mal d’élèves qui chantent des chansons comme Vanina, ou Mamie métisse ou la Chanson des sans-voix. Quand je dis « élèves », ça ne veut pas dire qu’ils ont quinze ans, ça peut être des gens bien plus âgés.
 
©B. Bernal

Franc-Parler : Pouvez-vous parler de votre dernier album Canis Bulle ?
Véronique Pestel : Pour parler du premier, c’est bien de parler de l’avant-dernier, Babels, qui était un disque très axé sur le changement de société que j’ai pu sentir dans les années 90-95. J’ai senti que les gens se mettaient à être malheureux dans leur travail, notamment dans le monde de l’entreprise, dans le monde des rapports institutionnels. Et donc, avaient une espèce d’envie de repli sur soi, chez soi. Et simplement dans ce disque, je disais que moi, j’essaie de ne pas me replier en moi et chez moi malgré la souffrance que je peux sentir dans cette société très mercantile. Et plutôt de lever les yeux et d’aller vers des valeurs de l’art, vers le beau, vers la musique, vers la poésie, vers l’amour, vers l’amitié, la nature. Donc, Babels parlait un petit peu de ça et dans Canis Bulle, je crois que c’est ce que j’ai fait. Canis Bulle est plutôt un album témoin, pour répondre à votre question.
 
Janvier 2008
Propos recueillis : Éric Priou
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