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Le chanteur et compositeur Charles Dumont
Article mis en ligne le 1er juin 2008
dernière modification le 23 mai 2023
Charles Dumont : l’émotion au-delà des mots
 
Plus de 50 années à composer, écrire pour les plus grands ou chanter lui-même, quelques infidélités pour des musiques de films (Trafic, Parade de Tati...) : voici en quelques traits le parcours toujours renouvelé d’un vieux routier de la chanson : Charles Dumont.
 

Franc-Parler : Vous avez plutôt commencé par le jazz…
Charles Dumont : Oui, en fait j’ai commencé quand j’étais gamin. J’étais allé dans une discothèque et j’avais entendu jouer des musiciens de jazz de la Nouvelle-Orléans. C’est-à-dire le jazz originel, le jazz d’Armstrong, de Fats Waller et quand mon père m’a dit : « Écoute, tu veux pas travailler à l’école, qu’est-ce que tu veux faire ? » J’ai dit : « Je ferais bien faire de la musique, je voudrais bien jouer de la trompette. » Comme mon père était un homme qui était extrêmement tolérant et qui avait été lui-même musicien, il m’a dit : « Si tu veux, oui, c’est une bonne idée. » Et je suis rentré au conservatoire de Toulouse pour devenir trompettiste et j’ai fait pendant quatre ans de la trompette. Et après je suis monté à Paris pour rentrer au conservatoire de Paris.
 
Franc-Parler : Vous vous êtes retrouvé compositeur, n’est-ce pas ?
Charles Dumont : Alors donc, après j’ai eu un accident de gorge à Paris, il a fallu qu’on m’opère et l’opération s’est mal passée. Et j’ai été interdit de jouer de la trompette pendant deux ans et c’était trop tard pour entrer au conservatoire de Paris après. Donc, j’ai abandonné la trompette. J’ai eu la chance de rencontrer un monsieur merveilleux, Paul-Silva Hérard, qui m’a pris en amitié. Il a vu mon désespoir parce que j’étais désespéré et il m’a fait travailler le piano que j’avais un petit peu travaillé quand j’étais enfant. Et je suis devenu donc, un peu pianiste. C’était trop tard, je suis rentré dans la classe d’harmonie. Et puis quand je suis parti militaire, je suis tombé amoureux d’une jeune fille que j’ai épousée et à 22 ans, j’étais père de famille. Et comme toute ma vie avait été émaillée de rencontres avec Charles Trénet..., rencontres par le son interposé, je ne les ai pas rencontrés physiquement. Mais comme j’étais un grand admirateur, un fan comme on dit maintenant, de Charles Trénet, de Jean Sablon, des gens qui chantaient des chansons que je trouvais merveilleuses, je me suis dit : « Puisque tu as fait de l’harmonie, tu as fais du piano, pourquoi tu ne ferais pas des chansons ? » Et là encore une fois, mon père est intervenu, et c’est lui qui m’a aidé à commencer dans ce métier de la chanson, à contacter des chanteurs, des auteurs, des éditeurs. Je me suis retrouvé donc comme ça pendant 2-3 ans à essayer de placer des chansons que j’écrivais. Et puis le destin a fait que...Vous savez, il y a un grand poète français, Jean Cocteau, qui a écrit que pour réussir dans la vie, il fallait avoir un trépied de trois éléments très forts : un petit peu de don, bien sûr, il faut être un peu doué parce que si on n’est pas doué...Il faut beaucoup, beaucoup travailler et après il faut avoir la chance. Les trois piliers pour faire une carrière dans la vie.
 

Franc-Parler : Pour vous la chance, c’était quoi ?
Charles Dumont : Et moi, la chance a été que toute ma vie... Il ne faut pas avoir une chance, il faut avoir des coups de chance. La chance a plusieurs visages, il faut que chaque fois que ça vous en avez besoin, qu’elle soit là au rendez-vous. Vous avez beau travailler, si vous ne la rencontrez pas, vous n’avancez pas. Et moi, j’ai eu vraiment ce bonheur, chaque fois que j’en ai eu besoin, il y a eu une personne qui était là. On me dit souvent : « Pourquoi vous écrivez beaucoup beaucoup de chansons d’amour ? Et pourquoi vous écrivez pour les femmes ? Les chansons d’amour, pourquoi ? » Parce que j’étais particulièrement gâté par la vie puisque j’ai eu de la chance de ce côté-là. Pratiquement chaque fois que j’ai eu besoin dans ma vie d’un coup de main, d’être encouragé pour aller plus loin, presque chaque fois, c’est une femme qui était là et qui m’a conseillé, qui m’a aidé. Attention, je dis bien la femme et pas les femmes. Parce que dès que vous commencez à parler comme ça, on va dire : « De toute façon, c’est parce que vous étiez un Don Juan [rires], parce que vous avez séduit les femmes, ce sont les femmes qui vous ont aidé. » Non, je pense que les femmes ne sont pas que des mannequins stéréotypés et qu’elles sont capables d’actes généreux, gratuits parce qu’elles sont généreuses naturellement. Pas toutes, mais beaucoup. Et surtout, elles ont une tendance à avoir un instinct qui les pousse à aider les gens dans le besoin quand elles les sentent vrais et sincères.
 
Franc-Parler : Certainement Édith Piaf a été une rencontre assez importante.
Charles Dumont : La grande chance de ma vie, de loin la plus importante, la plus significative, la plus lourde de sens, c’est évidemment ma rencontre avec Édith Piaf. Il n’y a aucun doute là-dessus. Mais quand j’ai rencontré Édith Piaf, il y avait déjà longtemps que je faisais des chansons et j’en avais fait pour tout le monde. Pour Dalida, Sacha Distel, Tino Rossi, pour toutes les vedettes de l’époque, j’avais fait des chansons. Donc, il n’y avait qu’une personne que je n’arrivais pas à convaincre qu’il fallait qu’elle me chante, c’était Édith Piaf. Et je lui avais proposé plusieurs fois des chansons et chaque fois ça n’avait pas marché. Jusqu’au 5 octobre 1960 où avec un auteur merveilleux qui s’appelle Michel Vaucaire, nous avons apporté à Édith Piaf une chanson qui s’appelle Non je ne regrette rien. Et là, ça a été le grand, grand, grand virage de ma vie, quoi.
 

Franc-Parler : Comment en êtes-vous arrivé à chanter vous-même ?
Charles Dumont : J’ai eu le temps de travailler pour Édith Piaf, j’ai écrit une quarantaine de chansons pour elle dont il y en a 30 encore qui sont dans le répertoire de EMI. Donc, j’ai écrit beaucoup beaucoup de chansons pour Édith Piaf. Malheureusement, elle est partie très vite puisque moi, je l’ai connue que les 3 dernières années de sa vie. Je me suis retrouvé complètement désorienté, complètement malheureux quoi. Avec Édith Piaf, j’avais fait un duo, j’avais chanté en duo avec elle une chanson dont elle avait écrit les paroles, et dont j’avais écrit la musique. Et elle avait prévu qu’on la chante ensemble. C’est une chanson qui se chante encore, d’ailleurs, que je chanterai à Tokyo quand je vais venir là au mois de juillet et qui s’appelle Les amants. Et cette chanson a été un énorme succès, en fonction de quoi, j’ai suivi Édith Piaf un petit peu dans sa tournée. J’ai commencé à chanter. Pendant, un an, un an et demi, j’ai fait une tournée avec elle après. J’avais pas très envie de chanter, ça me gênait de chanter. C’est elle qui m’a dit : « Je veux que tu chantes. » Donc, elle m’a vraiment forcé la main, elle m’a poussé à l’avant.
 
Juin 2008
Propos recueillis : Éric Priou
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