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Le designer Mathieu Lehanneur
Article mis en ligne le 1er octobre 2008
dernière modification le 25 mai 2023
Mathieu Lehanneur : Éléments pour la forme
 
Notre qualité de vie est tributaire des objets qui nous entourent. Les projets se suivent et ne se ressemblent pas pour le designer Mathieu Lehanneur qui conçoit ainsi l’air du temps. Il a reçu le grand prix de la création de la ville de Paris en 2006 et dirige le post-diplôme à la Cité du Design de Saint-Étienne en France.
 
©Fabien Thouvenin

Franc-Parler : Votre site internet indique “Depuis 1974”, votre année de naissance. Vous avez choisi ce clin d’œil pour quelle raison ?
Mathieu Lehanneur : Pour que finalement le manque d’années d’expérience qui peut être parfois perçu comme un déficit, je puisse le modifier, le parasiter ou le pervertir et du coup en faisant comme si effectivement le travail a commencé finalement dès la naissance, au début de la construction finalement. Nécessairement parce qu’effectivement sur beaucoup de projets, je sais que leur intention ou leur principe vient aussi de choses vécues ou perçues si ce n’est à la naissance, en tout cas, très jeune.
 
Franc-Parler : Vous œuvrez sur des concepts très différents les uns des autres…
Mathieu Lehanneur : C’est vrai qu’aujourd’hui, c’est assez diversifié parce que pour vous donner quelques exemples, de projets récents ou en cours, à la fois en ce moment, je travaille sur la phase, je dirais, industrielle du projet Bel-Air, en vue de le commercialiser début 2009. On est en train de faire les prototypes industriels. Parallèlement à ça, on est en train de travailler sur l’aménagement du chœur d’une église romane du XIe siècle dans le centre de la France. On est en train de dessiner des lampes pour Artémide. Donc, le spectre est assez large entre des projets à forte implication scientifique, d’autres à plus forte implication industrielle et d’autres comme l’église de Mlle à forte implication culturelle.
 

Franc-Parler : Votre projet Bel-Air, qu’est-ce que c’est ?
Mathieu Lehanneur : En fait, l’histoire de ce projet-là, c’est qu’il a été initialement fait à la demande d’une fondation qui s’est ouverte à Paris l’année dernière et qui a pour vocation de mettre en relation, en collaboration des designers et des scientifiques de haut niveau. Pour ce projet-là, je me suis intéressé à un sujet que j’avais déjà abordé auparavant, sur la qualité de l’air et le travail sur l’air comme s’il était un matériau. En tant que designer, pour le coup, c’est un matériau à investiguer. L’idée de ce projet est d’utiliser la capacité d’une famille de plantes pour leur capacités d’absorption de la pollution intérieure, de la pollution domestique.
 
Franc-Parler : C’est un objet, c’est une machine ?
Mathieu Lehanneur : On pourrait parler d’une machine domestique, on pourrait presque parler d’une forme un peu nouvelle d’électroménager parce que finalement, c’est un objet qui va intervenir sur la qualité de vie même et le confort qui n’est pas si éloigné d’un convecteur électrique. C’est un objet-machine.
 

Franc-Parler : Qu’est-ce qui vous intéresse le plus ? Concevoir une machine, en tirer un grand nombre ou l’idée du concept de l’objet unique ?
Mathieu Lehanneur : La façon dont se passent les choses, c’est que je repère, ou je suis alerté sur une problématique ou un contexte, en l’occurrence, c’est la pollution intérieure dont on parle de plus en plus et dont on sait aujourd’hui qu’elle est plus nocive que la pollution même, à l’extérieur, des grandes villes. Ça part de là. Ensuite, c’est à moi, de proposer quelque chose là-dedans. Ça devient des collaborations ou des recherches dans un champ assez pointu de la science. Qu’est-ce que j’ai à ma disposition pour répondre à ces problèmes-là ? Et ça passe toujours par une phase de prototype qui permet de valider techniquement, formellement, de donner la notion du produit. Après les choses ne dépendent pas toujours de moi. Ou l’objet, et c’est le cas de Bel-Air, on se rend compte qu’il fait écho et de façon immédiate et assez importante vis-à-vis de consommateurs qui nous envoient des mails tous les jours en nous disant : « Où est-ce que je peux le trouver ? » Et puis beaucoup de contacts de distributeurs ou d’investisseurs qui disent : « Ce projet m’intéresse. » C’est finalement cette demande-là qui fait que l’objet à l’état de prototype devient un produit industriel. Mais c’est vrai que la façon dont je les conçois au départ, je fais toujours en sorte que toujours potentiellement, ils puissent devenir les objets d’une grande série.
 
Franc-Parler : Vous avez fait également un abri pour les chats libres…
Mathieu Lehanneur : En fait, les projets ont assez souvent une histoire qui d’ailleurs bien souvent est aussi humaine avant d’être une histoire de projet ou de concept. Un peu par hasard, je suis tombé sur une nouvelle loi qui est passée à l’Assemblée nationale en juin 99, et cette nouvelle loi autorise les maires des municipalités françaises à laisser en ville, en totale liberté, des chats errants. À la seule condition que ces chats soient vaccinés et stérilisés. Cette loi n’est pas passée par hasard, elle est venue sous la pression d’associations de protection des chats qui à un moment ont fait la démonstration auprès des députés français en leur disant : « Écoutez, ça ne va pas vous coûter plus cher et en plus, ça va permettre à la fois de vous débarrasser des nuisibles : des rats, des souris, et d’assurer une sorte de vie sociale qui peut être animée par le chat auprès des personnes âgées, des malades. » Je trouvais cela assez beau et assez courageux de la part de ces associations qui étaient plutôt fragiles et assez peu structurées de jouer comme ça le parcours du projet de loi. En découvrant cela, je me suis pris d’affection non pas forcément pour les chats, mais pour cette démarche-là, ce courage-là et cette dynamique-là. J’ai eu envie de leur proposer un système d’habitation de ces chats errants, non pas pour rendre ces chats immobiles ou sédentaires mais montrer à un moment la face visible de ce système-là. Et que ce soit le lieu finalement où les chats vont être nourris, c’est là où ils pourront être observés ou surveillés. C’est donc comme ça que, finalement… que s’est passée la découverte de cela et l’envie de proposer un nouvel objet.
 
Octobre 2008
Propos recueillis : Éric Priou
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