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Tonino Serafini, journaliste à Libération - les SDF de Paris
投稿日 1999年10月1日
最後に更新されたのは 2023年5月25日
Les SDF de Paris
 
À l’occasion d’un voyage à Paris, Franc-Parler a interviewé Tonino Serafini, journaliste à Libération, spécialisé dans les affaires sociales. Des chiffres, des situations à comparer avec ceux de Tokyo.
 
Photo: Nobuko Ohsawa

Franc-Parler: Combien y a-t-il de personnes sans domicile à Paris et en France?
Tonino Serafini: La question du nombre, c’est une question très difficile et pas seulement en France. C’est aussi vrai aux États-Unis, au Royaume-Uni parce que par définition, c’est une population qui est difficile à estimer. En ce moment, en France, il y a un recensement de la population; les gens vont au domicile des personnes à recenser et ils comptent le nombre de gens qu’il y a dedans. Le problème, c’est que là justement on a affaire à des gens qui n’ont plus de domicile et donc ça pose des problèmes méthodologiques très importants. Cela dit, il y a quand même des estimations qui sont faites car ces personnes, les SDF, fréquentent des centres d’hébergement de nuit. Ces personnes fréquentent également des accueils de jour où ils vont laver leur linge et où elles vont manger, se doucher, où elles se font domicilier. Car en France, il y a quelque chose qui existe et qui s’appelle le RMI et pour toucher ce Revenu Minimum d’Insertion, il faut avoir une adresse. Il y a des associations caritatives qui aident les SDF à avoir une adresse. L’INED (Institut National d’Études Démographiques), il y a trois ou quatre ans a fait une étude très précise sur Paris. Elle avait estimé qu’il y avait environ 8000 SDF dans les 20 arrondissements. Ça c’est un chiffre précis. On ne peut pas appliquer un coefficient multiplicateur parce que les SDF, c’est plutôt une population qui va en ville, notamment dans les grandes villes.
 
©Hajime Sekiguchi/MSF

Franc-Parler: Pourquoi est-ce plus précis?
Tonino Serafini: L’INED avait mis en place une méthodologie spécifique aux sans-abri c’est-à-dire qu’ils avaient commencé à compter à quatre heures du matin tous les gens qui étaient dans les centres d’hébergement et qui ne pouvaient donc pas en sortir. Ensuite, ils étaient allés dans des endroits bien précis où dorment les SDF la nuit. Quand les SDF ne dorment pas dans les centres d’hébergement nocturne, ils vont souvent du côté du quartier des Halles. Tout ça c’est connu et en faisant un travail précis, ils avaient réussi à donner ce chiffre mais ce chiffre n’est pas précis dans l’absolu, mais c’est sans doute le chiffre le plus proche possible de la réalité.
 
Franc-Parler: Le nombre de sans-abri est il en augmentation?
Tonino Serafini: Je dirais, mais c’est plus une intuition, que c’est un chiffre qui a été en augmentation forte de 1985 à 1995 parce que la France a traversé une période économique difficile et que ce sont les gens les plus fragiles qui sont touchés les premiers et ils basculent dans la précarité. Et cela, on peut le dire au vu des personnes parce qu’avant, il n’y avait pas cette crise économique terrible, les SDF, c’étaient plutôt des clochards, des gens qui pour des raisons vraiment personnelles, parce que leurs femmes les ont quittés, ont basculé dans la précarité. C’est un processus long, la personne va être licenciée, elle va essayer de retrouver du travail et elle n’en retrouve pas. Au bout d’un moment, elle n’arrive plus à payer son loyer et puis elle va être expulsée.
 
Franc-Parler: Est-il nécessaire de déclarer son identité pour avoir accès aux centres?
Tonino Serafini: Non, pas forcément, par exemple, il y a un centre dans le 13e arrondissement, La mie de Pain, qui accueille les gens sans leur demander quoi que ce soit parce qu’il y a des personnes qui ont un parcours personnel particulier qui n’iraient pas si elles devaient décliner leur identité; mais toutes les associations ne le font pas.
 
©Hajime Sekiguchi/MSF

Franc-Parler: Les personnes qui ne peuvent plus rembourser le crédit de leur logement fréquentent-elles ces centres?
Tonino Serafini: Je ne pense pas que ça soit cette population-là qui soit touchée. Ce n’est pas une population qui est surendettée, les gens qui sont touchés, ce sont les plus pauvres de la population française. Ces gens-là ne sont pas propriétaires, ils n’ont même pas de crédit, ce sont des locataires, souvent mal logés déjà. Ce sont des gens qui sont pauvres depuis toujours, leurs ancêtres étaient pauvres. Quand il y a la croissance économique, ils arrrivent à peu près à trouver du travail. Ils se débrouillent mais dès que la crise économique devient forte, que les emplois les moins qualifiés ont tendance à disparaître, ils se retrouvent en difficulté matérielle extrêmement grave. On est en voie de stabilisation de la situation pour deux raisons. D’une part parce que la situation économique s’améliore, il y a de nouveau de la création d’emploi. Les associations hébergent les sans-abri et les aident aussi à trouver un emploi et les responsables disent que c’est beaucoup plus facile, quand on cherche du travail non qualifié, on en trouve beaucoup plus facilement. Ensuite comme on a assisté à cette dégradation qui a été dénoncée par la presse, le gouvernement a mis en place des dispositifs de prévention. Il y a maintenant le FSL, Fonds de Solidarité Logement, qui a pour but d’aider les personnes qui n’arrivent plus à payer leur loyer à faire face au paiement du loyer.
 
Franc-Parler: Combien de centres d’accueil y a-t-il à Paris? Quelle est leur capacité d’accueil?
Tonino Serafini: Dans les centres d’hébergement, il y a deux catégories:
Les centres d’urgence, là vous arrivez, vous dites: «Je suis dehors, je n’ai rien», on vous prend. On vous prend pour trois nuits et après il faut recommencer. Ici la fonction, c’est de mettre les gens en sécurité.
 
Les C.H.R.S.(Centre d’Hébergement et de Réinsertion Sociale),
qui accueillent des gens qui ont entamé un processus de réinsertion. Il faut être déjà mentalement prêt, au-delà des problèmes administratifs. Une fois que vous en êtes là, si tout va bien, vous allez avoir une assistante sociale qui va vous aider à trouver un job et si vous en trouvez un, vous allez basculer en C.H.R.S. Et là, c’est un hébergement pour six mois renouvelables. Souvent au total, ça fait douze mois, vous avez en même temps une formation et normalement à la fin de ça, vous basculez dans un logement HLM (Habitation à Loyer Modéré) qui est la fin du processus de réinsertion. À Paris, il y a en gros 3200 places en centres d’urgence, en été, il y en a moins car souvent les SDF partent vers le Sud et c’est plutôt 2000, et à peu près 3000 en C.H.R.S. où c’est toujours le même nombre. À Paris, au total, il y a 40 centres.
Il y a aussi une structure qui s’appelle le SAMU social qui fonctionne sur un numéro, le 115. Si vous êtes en grande difficulté, vous appelez le 115 et le SAMU social va vous aiguiller vers un centre d’hébergerment. Par ailleurs, ils ont des camionnettes, ils tournent la nuit dans Paris et ils ramassent les personnes; c’est un travail de maraude.
 
Franc-Parler: Après la date limite est-il possible de renouveler l’inscription au même centre?
Tonino Serafini: Tout le problème, c’est ça justement, et j’ai fait des papiers très durs là- dessus parce que comme le nombre de places est limité, comme on veut aussi que les gens restent mobilisés, on les oblige à bouger. Le problème, c’est que cela a un effet pervers, les gens sont déjà fragiles et quand ils sont tout le temps dans l’errance comme ça, on renforce cette fragilité. C’est un problème très controversé. Moi, je suis favorable au fait qu’on leur assure un maximum de stabilité pour tout doucement les aider à se réinsérer. Je pense que c’est vraiment le moyen le plus efficace, c’est la conviction que j’ai acquise. Je pense que dès lors que quelqu’un dit: «Je veux rester là parce que je suis fatigué», parce que je n’en peux plus de bouger, je pense qu’il faut lui laisser cette possibilité-là.
 
©Hajime Sekiguchi/MSF

Franc-Parler: Faut-il être français pour accéder aux centres?
Tonino Serafini: Il faut être en situation régulière, pas forcément français. La France a depuis toujours une tradition d’accueil très forte. La notion d’étranger est une notion beaucoup plus relative qu’au Japon. Je suis italien, mes enfants sont français, ici, les gens sont très mélangés. On est sans doute dans l’un des pays les ouverts du monde et je trouve cela admirable car c’est un pays qui est fondé sur la citoyenneté. On ne va pas vous demander quelle était l’origine de vos grands-parents. On estime qu’un tiers des Français ont des origines étrangères. La France est un pays central en Europe, ça arrive de partout et c’est tout le génie de la France que d’accepter tout ça. En tout cas, ici la condition, c’est qu’il faut être en situation régulière; dès lors que vous avez une carte de séjour, vous pouvez aller en C.H.R.S.
Franc-Parler: Quelles sont les conditions de vie dans ces centres d’urgence?
Tonino Serafini: Le problème, c’est que souvent ce sont de grands centres avec de grands dortoirs, et les gens ne veulent pas y aller à cause de la promiscuité, des problèmes de sécurité, parce qu’ils se retrouvent à 20, à 30 dans un dortoir. Il faudrait améliorer les centres:
 
faire des chambres de 2 ou 3 personnes maximum.
améliorer leur confort, mettre plus de douches, de toilettes.
faire des lieux où les gens peuvent mettre en sécurité leurs affaires car souvent ils se font faucher.
créer des endroits où les gens pourraient laver leur linge, repasser…
 
Octobre 1999
Propos recueillis: Nobuko Ohsawa
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