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Une réalité locale de l’agriculture en France -En Alsace, une exploitation familiale pratiquant la vente directe des produits de la ferme-
投稿日 2004年10月30日
最後に更新されたのは 2023年5月23日
La France est connue comme un grand pays agricole. Nombreux parmi la population japonaise sont de grands amateurs de la culture française notamment au niveau gastronomique: cuisine et alcool. Ce pays possède également une grande diversité régionale au niveau de l’agriculture et de la culture alimentaire. Et il va sans dire que cette diversité est maintenue par les divers acteurs locaux en amont et en aval des filières alimentaires.
Au printemps 2002, pendant que je participais à un programme d’échange d’étudiants franco-japonais en Alsace, j’ai eu l’occasion de faire un stage pendant 2 mois chez la famille Klein, une exploitation familiale pratiquant la vente directe de produits de la ferme. Voici, une réalité locale de l’agriculture française que j’ai pu percevoir à travers mes expériences acquises lors de ce stage.
La région d’Alsace est célèbre pour ses grands vins blancs produits autour de la fameuse Route des vins, comme le Riesling et le Gewurztraminer ainsi que ses plats traditionnels comme la choucroute. Dans cette région, le développement de l’agriculture est diversifié selon les zones. En allant du bord du Rhin vers les Vosges: céréaliculture et polyculture en plaine constituée par une couche de lœss profonde particulièrement apte à la culture, viticulture sur les collines vosgiennes, élevages en moyennes montagnes etc... À part les vins et les céréales, on peut citer les spécialités suivantes: légumes, houblon, tabac, betterave, asperge, pomme de terre etc... Les productions animales telles que le bœuf, le porc, les volailles et les moutons sont également importantes, tout comme les produits laitiers. En Alsace, depuis longtemps, ces productions sont intensives chez les producteurs de polyculture-élevage.
 

L’exploitation de la famille Klein se situe en milieu péri-urbain à 10 km de Strasbourg, tout au cœur de la plaine fertile. Elle a une quarantaine d’hectares de terrain dont 35 ha sont utilisés pour le foin, le blé, le maïs destinés à l’alimentation du bétail, la litière et le fumier, 2 ha pour la pomme de terre destinée à la vente directe et la transformation, 1,6 ha pour une grande variété de légumes qui atteint une quarantaine de sortes. La composition du cheptel est la suivante (au printemps 2002): 36 vaches laitières, 60 cochons, 300 poules pondeuses, 2500 volailles dont une majorité de poulets, des pintades, des canards et des dindes. Ces animaux sont élevés par des aliments composés produits avec les céréales cultivées à la ferme : «farine fermière».
 
Actuellement, en plus de la livraison habituelle du lait à la coopérative, l’exploitation se lance dans la vente directe des produits de la ferme avec l’ouverture à côté de la maison d’habitation, de son propre magasin: la «SARL Tradition Fermière» où elle accueille ses clients. Ceux-ci viennent des villages environnants et de la ville de Strasbourg. La variété des produits mis en vente est considérable: volailles découpées, produits charcutiers et laitiers, légumes frais, fruits, confitures etc… Les produits sont quasiment tous préparés sur place à part ceux qui sont fournis par des producteurs locaux comme les dérivés du lait, le jus de pomme, les asperges etc...
En fait, c’est vers le début des années 90 que l’exploitation s’est entièrement mise à la vente directe et à la transformation des produits avec la nouvelle SARL. Par contre, auparavant, la ferme subsistait en livrant les céréales et du lait à la coopérative et se nourrissait des légumes de son jardin potager comme les petites exploitations « ordinaires » de sa région. Toutefois, au niveau global, la production était destinée aux grands marchés, sans limitation et la distribution des produits agricoles était gérée par l’intermédiaire des coopératives et des entreprises agro-alimentaires.
Un tel mode d’exploitation n’était rendu possible que par le grand essor économique que connut la France pendant 30 ans, de la fin de la deuxième guerre mondiale jusqu’à la crise économique des années 70. Ceci permit le développement de la société industrielle et urbaine, voire de consommation. Puis, les problèmes de surproduction des produits céréaliers et laitiers se sont progressivement aggravés.
Ensuite, en 1984, 10 ans après la crise économique, la Communauté européenne a imposé les quotas laitiers pour faire face aux problèmes de surproduction. L’application de cette mesure a conduit à l’impasse beaucoup d’exploitations laitières de moyenne et petite taille par rapport à leurs stratégies de filière. Ainsi, chaque exploitation, en désespoir de cause, s’est efforcée de changer la direction de ses stratégies de gestion.
 
Dans un tel contexte, la famille Klein n’était pas exceptionnelle parmi les autres. Le couple qui, actuellement à la retraite, gérait alors l’exploitation, a commencé à vendre le surplus de lait en le transformant manuellement en beurre et en fromage. Mais, le travail pour fabriquer les dérivés du lait imposait trop de charges pour une exploitation familiale de petite taille. De plus, en 1992, les nouvelles normes sanitaires concernant la transformation et la vente des denrées alimentaires ont été fixées avec l’Acte Unique Européen (AUE). Ces normes constituèrent une barrière pour les exploitations de moyenne et petite taille qui souhaitaient investir dans la transformation et la distribution des produits de la ferme.
C’est dans ces circonstances, que les jeunes fils de l’exploitation entreprirent d’essayer un nouveau mode de gestion, par la mise en place d’une diversification des cultures, la transformation et la vente directe des produits de la ferme. Ainsi, le magasin “Tradition fermière” a été créé et se développe jusqu’à aujourd’hui.
Cette tentative de l’exploitation répond aux attentes de consommateurs sensibles à la qualité et la traçabilité des produits alimentaires par rapport aux produits de grands circuits. Elle réussit à obtenir une grande confiance chez les clients. Cette activité de l’exploitation joue un rôle de trait d’union entre des producteurs agricoles qui sont des anciens du village et les nouveaux arrivants, venus s’installer au village tout en continuant à travailler en ville. D’ailleurs, les produits de la ferme peuvent évoquer chez les clients un goût de pays, dit de « terroir » en France, qu’ils auraient perdu dans leur quotidien.
 
L’exploitation de la famille Klein, qui a pu sortir de l’impasse de sa filière, est actuellement confrontée à deux autres problèmes.
L’un concerne la baisse du prix du lait décidée en Europe, laquelle vient de s’élargir à 25 pays au 1er mai 2004. Malgré le succès que l’exploitation a pu atteindre par la vente directe, cette décision politique pèse considérablement sur sa gestion. En effet, le revenu réalisé par la livraison du lait à la coopérative occupe encore près de la moitié du revenu total de l’exploitation. Les jeunes fils doivent prendre une nouvelle décision concernant la gestion en tenant compte de la viabilité de leur élevage de vaches laitières.
L’autre problème concerne leur mode de production quasiment biologique s’ajoutant à la diversification des cultures, la transformation et la vente directe. À savoir que, ce mode de production exclut quasiment l’utilisation des pesticides, herbicides et engrais chimiques comme dans l’agriculture biologique. Celle-ci est aujourd’hui en hausse en Europe et le nombre de producteurs certifiés bio augmente chaque année. Mais, le problème est que, pour la ferme Klein dite une « exploitation complète » qui produit et transforme de nombreux produits, il serait trop coûteux d’être certifié bio pour toutes ses filières. C’est ainsi que l’exploitation n’arrive pas à aller jusqu’à la phase de conversion et avoir le label bio.
 
La famille Klein tente de réanimer son exploitation en apportant des changements audacieux. Et on peut considérer que, désormais, le nombre d’exploitations qui vont évoluer avec de tels changements diversifiés, va augmenter.
De tels mouvements apparaissent déjà sous forme d’exploitations locales de moyenne et petite taille qui se différencient en se spécialisant ou se diversifiant dans le cadre des activités fermières : exploitations qui se lancent dans une culture spéciale comme le tabac, le houblon, les haricots etc... ; celles qui ouvrent leurs fermes aux citoyens en créant des activités pédagogiques, des magasins de vente directe où des gîtes.
Par exemple en France, ce genre d’activités fermières est organisé et soutenu par l’association «Bienvenue à la ferme» créée en 1988 et gérée par les chambres d’agriculture de chaque département. La famille Klein participe à la section «Produits de la ferme» de l’association en Alsace.
Aujourd’hui, en France, de nombreuses exploitations agricoles s’efforcent, comme chez Klein, de surmonter les difficultés causées par le développement excessif des industries et de l’économie de marché dans le secteur agro-alimentaire.
 

 
Ces nouvelles approches de l’agriculture apparaissent d’abord utiles pour assurer la propre subsistance des agriculteurs, mais, en même temps, elles s’adressent directement aux consommateurs. Cela met en cause les modes de vie, de production et, de consommation de masse chez nos contemporains.
Quant au Japon, les situations de l’agriculture et de la vie alimentaire, bien que différentes de celles de la France, connaissent aussi de grandes difficultés.
Il serait intéressant de voir les situations japonaises en comparant avec celles que j’ai présentées ici en parlant d’un cas local en France. Cela pourrait nous permettre de considérer autrement les différents modes de développement rural d’aujourd’hui.
 
30 octobre 2004
 
Références sur la toile
 
Bienvenue à la ferme (France): http://www.bienvenue-a-la-ferme.com/
 
Pour en savoir plus sur le bio: EUOFA(European Organic Food Association, Tokyo)
 
Kenjiro Muramatsu (Laboratoire de Sciences humaines comparées de la faculté de Lettres de l’Université de Nagoya)
Courriel: m_kenjirom@hotmail.com
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