フラン•パルレ Franc-Parler
La francophonie au Japon

Rédaction du journal :
Rédacteur en chef : Éric Priou
Rédaction : Karen, Mika Tanaka

La francophonie au Japon
Franc-Parlerフランス語圏情報ウェブマガジン フラン・パルレ
〒169−0075新宿区高田馬場1−31−8−428
1-31-8-428 Takadanobaba, Shinjuku-ku, 169-0075 Tokyo

Tel : 03-5272-3440
E-mail:contact@franc-parler.jp
http://franc-parler.jp

Alain Poirier, directeur du Conservatoire de Paris CNSMDP
Article mis en ligne le 1er mai 2005
dernière modification le 25 mai 2023
Le Conservatoire de Paris : les musiciens de demain
 
Berlioz, Debussy, Ravel, Messiaen, Boulez et bien d’autres sont passés par la redoutable sélection d’entrée du Conservatoire national supérieur de musique et de danse de Paris, autrement dit le Conservatoire. Alain Poirier, son directeur depuis septembre 2000, lui-même homme du sérail (il y a fait ses études avant d’y être nommé assistant, professeur puis chef de département) en assure tout à la fois la pérennité et l’ancrage dans la modernité, éléments indispensables pour un enseignement professionnel de la musique, de la danse et des métiers du son.
 
Photo:DR

Franc-Parler : Le Conservatoire de Paris est une institution héritière de la Révolution, de l’Académie royale de musique ?
Alain Poirier : Héritière de la Révolution surtout puisque le point de départ du Conservatoire, c’était de fournir des musiciens pour la musique militaire. Donc, les toutes premières années étaient consacrées à des classes d’instruments à vent ou de tambour. Très très vite, en deux ou trois ans, ça s’est élargi. On a commencé à travailler les autres instruments et petit à petit le Conservatoire s’est étoffé. Dès le début du XIXe siècle, alors que le Conservatoire n’avait que cinq ans, on voit déjà qu’il y a plus que l’embryon, il y a presque toutes les classes principales à cette époque.
 
Franc-Parler : Vous êtes un spécialiste du compositeur Dutilleux…
Alain Poirier : D’abord, c’est un choix esthétique. D’abord parce que la musique d’Henri Dutilleux est une musique que je trouve absolument remarquable. Deuxièmement parce que l’actualité fait que je suis en train d’écrire un livre sur Dutilleux qui devrait paraître pour son 90e anniversaire l’année prochaine. Ce sont deux raisons qui se croisent avec une troisième, qui est le goût de mes homologues japonais pour la musique de Dutilleux qu’ils admirent beaucoup. Ils aiment beaucoup cette tradition française et en particulier la musique de Dutilleux qui est très marquante et qui aujourd’hui a une qualité d’écoute certaine au Japon.
 
Photo : Martin Callias-Bey

Franc-Parler : Qui dit Conservatoire dit conservation. C’est une activité phare de l’établissement ?
Alain Poirier : C’est un faux ami comme on dit en français. Conservatoire ne veut pas dire conserver. C’est un terme d’origine italienne, mais dont le sens n’est pas exactement le sens du mot conserver en français. Heureusement d’ailleurs parce que le Conservatoire de Paris se doit d’être à jour, non seulement d’être à jour mais aussi d’être prospectif. C’est-à-dire penser non seulement la musique de demain mais aussi penser ce que deviendront les musiciens de demain. Pour les musiciens professionnels que nous formons, ce côté prospectif est indispensable. On entretient une tradition, vous avez raison de ce point de vue-là, qui est extrêmement large puisque, au Conservatoire, on enseigne depuis le chant grégorien jusqu’à la musique contemporaine. Donc, il y a plus de dix siècles de répertoire selon les classes, selon les disciplines. Et puis, encore une fois, notre principale préoccupation, c’est plus être tourné vers l’avenir, je dirais que mon sujet de préoccupation principal, c’est ce que j’appellerai rapidement, l’après Conservatoire. Que deviennent-ils une fois diplômés ? C’est ça la question clé.
 
Franc-Parler : Que faites-vous pour les élèves sortis du Conservatoire ? Comment les aidez-vous ?
Alain Poirier : C’est-à-dire que notre action ne consiste pas tellement à continuer à les aider dans la mesure où c’est un enseignement supérieur. Il ne s’agit pas de ne pas les aider, bien entendu, si on peut le faire, on le fait. Mais ça reste ponctuel. Il s’agit surtout, dans le cadre de l’éducation, de les rendre les plus autonomes possible. Et je suis persuadé que continuer à aider longtemps quelqu’un, ce n’est forcément lui rendre service à la longue. L’aide à l’insertion, c’est évidemment tout à fait précieux, ça il ne faut pas s’y refuser. Mais il faut que nos étudiants qui sortent diplômés sortent armés, si j’ose dire, sortent parfaitement formés de telle manière à pouvoir eux-mêmes trouver les activités qui leur correspondent dans un monde qui, aujourd’hui, est difficile incontestablement.
 
Photo : Philippe Gontier

Franc-Parler : Vous vous adressez à quels types de personnes ?
Alain Poirier : Le Conservatoire est un établissement d’enseignement très spécialisé et par conséquent, le concours d’entrée lui-même est extraordinairement sélectif. Pour vous donner une idée très générale, nous avons quelque chose comme 1500 candidats chaque année. Chaque classe ayant un quota de places très défini, ce qui veut dire que nous en prenons environ 10 à 15% d’entre eux. Donc, 150 à 180 élèves intègrent le Conservatoire chaque année, ce qui veut dire que pour chaque étudiant, c’est déjà un choix de se présenter dans cet établissement. Le fait d’être reçu implique d’être pris dans un contexte pédagogique très particulier de très haut niveau, ce qui implique un travail personnel considérable. Par conséquent, ce sont automatiquement de futurs professionnels, des musiciens d’orchestre, des concertistes, des professeurs. Ce sont les musiciens professionnels de demain.
 
Franc-Parler : Comment sont divisées les études ?
Alain Poirier : C’est divisé en disciplines bien évidemment. La discipline principale, qu’il s’agisse de l’instrument, de la pédagogie ou de la composition, nous avons 180 disciplines, fait que chaque parcours est relativement individualisé. Il y a un tronc commun parce qu’il y a les fondamentaux, il y a des enseignements qui doivent être communs à tout le monde. Il faut avoir un haut niveau en solfège, en culture musicale et en pratique dansante. C’est le tronc commun. Tout le monde doit y passer et ensuite, selon son instrument, selon sa spécialité, il y a d’autres spécialisations qui sont plus atttachées à la discipline.
 
Franc-Parler : Vous accueillez des étudiants étrangers. Quelle est la proportion ?
Alain Poirier : Actuellement, nous avons 17% d’étudiants étrangers. Et ça représente 40 nationalités différentes. Donc, on vient du monde entier pour travailler au Conservatoire, mais je dois dire que les étudiants japonais sont de très loin les plus importants. Il y a environ 80 étudiants japonais aujourd’hui dans des disciplines très diverses.
 

Franc-Parler : Pour quelle raison sont-ils aussi nombreux ?
Alain Poirier : Parce qu’il y a une tradition entre le Japon et la France qui remonte à longtemps. D’une part il y a eu des échanges de professeurs, des compositeurs japonais sont venus étudier au Conservatoire de Paris dans l’entre-deux guerres ; Ikenouchi est le premier exemple marquant. D’autres compositeurs sont venus après étudier chez Messiaen ou chez d’autres professeurs. Inversement des professeurs français sont venus régulièrement au Japon soit pour des masters classes soit d’une façon plus durable. Deuxièmement, je pense que d’un point de vue purement artistique et esthétique, il se trouve qu’entre l’art japonais et l’art français, la musique en particulier, il y a des résonances très fortes. Il y a un goût des Japonais pour la musique de Debussy ou Ravel, une subtilité harmonique, un sens de la couleur qu’on retrouve dans l’esprit et la culture japonaise. Je pense que là, les deux cultures ont un certain nombre de points communs particulièrement forts.
 
Mai 2005
Propos recueillis : Éric Priou
Remerciements à Laurent Teycheney
qrcode:http://franc-parler.jp/spip.php?article213