フラン•パルレ Franc-Parler
La francophonie au Japon

Rédaction du journal:
Rédacteur en chef: Éric Priou
Rédaction: Karen, Mika Tanaka

La francophonie au Japon
Franc-Parlerフランス語圏情報ウェブマガジン フラン・パルレ
〒169−0075新宿区高田馬場1−31−8−428
1-31-8-428 Takadanobaba, Shinjuku-ku, 169-0075 Tokyo

Tel: 03-5272-3440
E-mail:contact@franc-parler.jp
http://franc-parler.jp

Le compositeur Pascal Dusapin
投稿日 2003年11月1日
最後に更新されたのは 2016年2月22日
Pascal Dusapin, la joie de composer
 
Depuis plus de 25 ans, Pascal Dusapin compose outre des opéras, aussi bien des pièces pour orchestres, ensembles que pour solistes. C’est en sa présence que deux de ses vieux complices, la soprano Françoise Kubler et le clarinettiste Armand Angster, se joindront aux Japonais de l’Ensemble Nomad pour présenter en novembre à Tokyo et Kyoto une sélection représentative de ses créations. Une rencontre fructueuse en perspective!
 
Franc-Parler: Considérez-vous la voix comme l’égale d’un instrument de musique?
Pascal Dusapin: Je dirais oui bien sûr. Mais toute musique est pour moi essentiellement d’origine vocale et à ce titre, je ne fais pas toujours beaucoup de différence entre la voix, les instruments et je dirais même que l’orchestre symphonique est pour moi une voix.
 
Franc-Parler: Vous avez intégré des enregistrements de voix humaine…
Pascal Dusapin: Cela m’est arrivé dans un ou deux projets, exclusivement pour des questions lyriques en particulier avec des voix parlées de jeune enfant, en particulier d’un de mes fils, parce que précisément l’innocence et le manque de théâtralité naturel d’un enfant correspondaient pour moi à un pur désir d’expression. C’est souvent dans cette perspective que les gens aiment tellement les voix parlées d’enfant, parce qu’elles ne sont pas chargées d’affects théâtraux connotés,vous voyez. Il n’y a pas d’archétype à l’intérieur de ça. J’ai fait ça rarement, je ne suis pas du tout un spécialiste de cette technique.
 
Franc-Parler: Vous avez reçu l’enseignement de Xenakis. Qu’en avez-vous retiré?
Pascal Dusapin: Xenakis n’a jamais été pour moi un professeur, mais un maître tout simplement, parce qu’il a permis que je reste toujours moi-même sans jamais m’imposer quoi que ce soit et qu’en conséquence, il a été pour moi la plus exceptionnelle machine à liberté qui soit.
 
Franc-Parler: Le mot liberté est donc important pour vous.
Pascal Dusapin: J’espère qu’il est important pour chaque être humain. Naturellement, il est très important pour moi en quoi que ce soit et pas en musique exclusivement.
 
Franc-Parler: Est-ce que ce serait le mot que vous aimeriez transmettre aux futures générations de compositeurs?
Pascal Dusapin: Si d’aventure, j’avais quelque importance plus tard, c’est effectivement, donner avec le plus de joie possible, naturellement. L’apprentissage de la musique est tellement proche de l’enseignement militaire quelquefois, qu’il importe que lorsqu’on devient professionnel, on se dégage le plus possible de schémas trop autoritaires.
 
Franc-Parler: Vos compositions vont des œuvres pour instrument soliste, à des opéras. Qu’est ce qui rythme ces créations?
Pascal Dusapin: Vous savez, pour vous répondre vraiment très précisément, il faudrait que je sois mort. Quand je serai mort, je pourrai répondre à cela. Je ne suis pas toujours très conscient de ce qui me mène d’un projet à un autre. Évidemment, maintenant comme j’ai un peu de temps derrière moi, je vois bien qu’il existe beaucoup de chemins entre quelquefois des projets très gros comme des opéras et puis des choses toutes petites, comme des œuvres pour solistes. Souvent, je dirais, de façon un peu provocante, que les questions sont les mêmes. Seule la forme diffère. On le voit bien du reste dans la culture asiatique où, quelquefois, le tout est dans la chose et que la matérialité d’une chose n’a rien à voir avec l’espace de la chose. Donc, vous pouvez avoir un opéra qui dure une heure ou deux, très gros et qui en même temps occupe autant d’espace qu’une pièce pour clarinette, par exemple.
 
Franc-Parler: Avez-vous un instrument que vous privilégiez?
Pascal Dusapin: Oui, c’est vrai qu’il y a des instruments comme le violoncelle ou la clarinette ou le trombone qui sont des instruments que j’affectionne, mais je dirais que mon instrument favori, celui avec lequel je me sens le plus naturel, c’est tout simplement l’orchestre symphonique. Du reste, ce n’est pas par hasard si j’ai entamé au début des années 90 une série de pièces pour orchestre que j’intitule Solos. Je les sous-titre plus exactement solo.
 
Franc-Parler: Vous-même, êtes-vous musicien?
Pascal Dusapin: Oui, au départ je suis pianiste et organiste, même si je n’ai pas fait grand-chose dans la vie pour devenir un professionnel de piano ou d’orgue. Mais écrire de la musique est une activité qui prend tellement de temps. Cela a été un choix, mais enfin, je reste un pas mauvais amateur. Souvent les compositeurs sont des musiciens qui ont abandonné l’étude exhaustive de leur instrument de base bien qu’il existe des cas tout à fait contraires.
 
Franc-Parler: Quand on voit les titres de vos opéras, vous avez beaucoup de références littéraires.
Pascal Dusapin: Oui c’est vrai, par goût, j’ai une formation assez littéraire et je vais puiser là dedans beaucoup d’éléments de mon travail. Roméo et Juliette malgré le titre n’a pas grand-chose à voir avec Shakespeare. C’était surtout un opéra sur le langage et le langage amoureux. Donc, avec Olivier Cadiot (le librettiste) nous avions utilisé cet archétype que tout le monde comprend dans toutes les cultures, qui est celui de Roméo et Juliette. Medeamaterial a été fait sur un texte de Heiner Müller, qui était un très grand écrivain allemand, aujourd’hui disparu. To be sung, c’était aussi un opéra sur le langage mais presque sur les jeux d’enfants, les jeux de mots d’enfants avec un texte de Gertrude Stein et mon dernier opéra, qui a été créé récemment à l’Opéra Bastille, a été fait à partir d’un roman italien d’Aldo Palazzeschi, qui est un très grand écrivain assez méconnu en dehors de l’Italie. Aujourd’hui, je fais un autre projet d’opéra à partir, effectivement, de textes qui ont à voir avec le mythe de Faust, même si je traite ça d’une façon que j’imagine différente. C’est vrai que la littérature est pour moi le creuset d’où tout vient. Mais vous savez, au bout d’un moment, on ne fait plus la différence entre la littérature et la musique.
 
Franc-Parler: Vous passez de l’un à l’autre, alors?
Pascal Dusapin: Oui et il y a peut-être une tentation romanesque dans la musique, comme il peut y avoir une tentation musicale dans l’écriture pure, enfin dans la littérature. D’ailleurs, c’est assez intéressant de constater à quel point les commentaires sur les livres sont souvent d’origine musicale. On parle de l’harmonie, du caractère mélodique de tel écrivain.
 
Novembre 2003
Propos recueillis: Éric Priou
qrcode:http://franc-parler.jp/spip.php?article175