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Le danseur Gil Roman, danseur du Béjart Ballet de Lausanne
投稿日 2002年7月1日
最後に更新されたのは 2023年5月25日
Gil Roman, la danse à tout temps
 
Tout en dansant sur les scènes du monde entier, Gil Roman, le directeur adjoint du Béjart Ballet de Lausanne, continue de passer le relais aux jeunes de tout ce qu’il a appris. Rencontre lors de la tounée 2002.
 
© Franc-Parler

Franc-Parler: Vous avez commencé la danse très jeune…
Gil Roman: J’ai commencé la danse à l’âge de 7 ans. Vous voulez connaître mon parcours? C’est un parcours normal pour un jeune qui commence la danse, dans une école de province. J’ai passé des concours jusqu’à l’âge de 19 ans où je suis entré dans la compagnie de Béjart et depuis, je ne l‘ai pas quittée. Donc, j’ai rencontré un chorégraphe et depuis je travaille avec lui. Je suis entré chez lui un peu par hasard, si on peut parler de hasard. Et puis ensuite, son œuvre, sa personnalité… Les rapports se sont approfondis et puis après ça a évolué.
 
Franc-Parler: Vous avez commencé à 7 ans. C’est venu de vous-même?
Gil Roman: Je suis allé voir ma sœur pendant son cours de danse, j’ai trouvé ça très bien et j’y suis resté. Oui, c’est venu de moi-même, on ne m’a pas obligé à faire de la danse, mais je n’avais pas particulièrement envie de faire de la danse. Le jour où j’ai vu ça, j’ai eu envie de faire ça.
 
Franc-Parler: Vous dansez et, quotidiennement, ça vous oblige à quel entraînement?
Gil Roman: Ça dépend si on est en spectacle ou pas, mais en général, on commence à travailler le matin vers 10h30 et on travaille jusqu’au soir. On a un échauffement, un entraînement, une barre et ce qu’on appelle un cours classique. Pour se remettre en place physiquement et psychologiquement. Et puis ensuite, on entame les répétitions de différents ballets, parce qu’en général, on a plusieurs spectacles dans une tournée, on a 2, 3 spectacles. Donc, on enchaîne les tournées et on prépare les créations pour le futur. Et puis plus tard, on répète les programmes qu’on va faire dans les tournées d’après. Et le soir, ça dépend si on a des spectacles ou pas. Donc, on a toujours beaucoup de travail en général.
 
Franc-Parler: Et en dehors? On imagine la belle vie, des temps forts…
Gil Roman: C’est un métier en fait où on est plutôt comme des moines. On voit très peu de choses en général. Moi, ça fait 23 ans maintenant que je suis avec Maurice. J’ai voyagé dans le monde entier, j’ai dansé toutes sortes de ballets et je n’ai pas vu grand-chose, parce qu’on passe dans les mêmes villes. On est en général entre le théâtre et l’hôtel. On a très peu de temps à nous. Donc, en général c’est la nuit quand on sort, mais le lendemain matin, il faut être en forme. On voit peu de choses donc. C’est un métier auquel on se consacre totalement et qui n’est pas ce qu’on imagine. Tout se rapporte à ça, tout se rapporte au métier.
 
Franc-Parler: Il y a beaucoup de passages de l’art du ballet à la musique, mais aussi au cirque dans votre compagnie…
Gil Roman: Béjart, sa pensée est une pensée de réunion des arts. Il a fondé une école quand il était déjà à Bruxelles. Il a fondé une école à Dakar. Il a refondé une école à Lausanne qui est basée sur la multiplicité des disciplines à apprendre. Donc, c’est vrai qu’il estime que le théâtre, la danse, la musique, un art martial, l’improvisation, etc., tout ça fait partie de la préparation d’un danseur. Et dans les spectacles, très souvent, il faut parler, chanter.
 
Franc-Parler: Dans l’entraînement, on utilise quel art martial?
Gil Roman: Disons qu’à l’école, l’art martial, c’est le kendo, parce que ça demande une très forte concentration. Ce n’est pas un art facile d’accès a priori. C’est un art de posture, de centre comme tous les arts martiaux, de prise de conscience du centre du corps, d’une autre manière. Donc, c’est très utile pour les danseurs pour leur faire connaître leur centre. Il faut parfois le comprendre en parlant, en chantant, puisque ça vient du ventre. Ce qui permet après de développer sa technique et son abandon.
 
Franc-Parler: Qu’avez-vous dansé cette fois au Japon ?
Gil Roman: J’ai redansé Le presbytère puisque j’ai créé ce ballet, il y a 4, 5 ans maintenant. C’est un ballet que j’ai tourné dans le monde entier, que j’ai beaucoup dansé et que j’ai dansé exprès à trois spectacles d’affilée à Tokyo, puisque c’est un peu un ballet fétiche pour moi depuis un certain nombre d’années. Et puis j’ai dansé une re-création, Juan Y Térésa qui avait été créée pour Pietragalla et moi. Et puis j’ai voulu danser avec une danseuse de la compagnie que j’aime beaucoup, donc on a fait ce ballet ensemble. Au gala, on a fait une nouvelle création que Maurice m’a faite, il y a quelques mois, sur un lied de Mahler avec un pas de deux après. Et puis Brel et Barbara, la dernière création de Béjart qui s’appelle Lumière et qui a été retravaillée pour ici. Elle a été diminuée en suite de danses sur des chansons de Brel.
 
Franc-Parler: Diminuée pour des raisons techniques?
Gil Roman: Non, pour des raisons de rythme. Lumière, c’est un ballet qui fait une soirée, qui a été créé pour le théâtre de Fourvière à Lyon, en plein air. C’était en référence aux frères Lumière, à un certain nombre de choses lyonnaises. Donc, là on avait des doutes parce qu’il y avait quand même pas mal de texte. Donc, on a pensé que c’était préférable de garder la force de la chorégraphie et les chansons. Déjà, on avait des doutes sur ce que les gens allaient comprendre ou sentir. En définitive, on s’est rendu compte que ça a été très bien reçu. On a senti que les gens recevaient. Parce que Barbara n’est pas très connue ici. Nous, on adore Barbara, on entend 3 notes de Barbara et on sait que c’est Barbara. On chante Barbara tout le temps. Et en fait la musique et la chorégraphie, ça marche bien. C’est un rapport entre Brel et Barbara qui étaient très amis, très proches, qui ont fait un film ensemble, qui se connaissaient très bien. Et Maurice connaissait très bien Barbara, qui était vraiment une amie et que j’ai rencontrée plusieurs fois. Brel, on le connaissait moins. Moi, je danse sur Barbara et elle danse sur Brel. C’est un rapport d’amour entre ces deux êtres.
 
Franc-Parler: Quels seraient vos conseils à un danseur débutant?
Gil Roman: Il n’y a pas de conseil. Il faut aimer, aimer. Il n’y a pas de conseil, parce que moi, je n’ai jamais suivi les conseils de personne. Je n’ai jamais eu confiance en personne à part moi. Donc, j’ai eu de grands professeurs que j’ai aimés et comme je les ai aimés, je les ai compris. Mais je ne les ai pas jugés, je les ai juste aimés. C’était évident pour moi ce qu’ils me disaient. Donc, je les suivais, mais si ce n’est pas évident pour moi, je ne suis pas. Donc, je n’ai pas de conseil à donner, puisque tout est valable. Il n’y a pas de ligne juste. Il y a sa propre ligne qui est juste, si on est juste. Et ça, c’est une volonté, un amour, une passion pour un art.
 
©François Paolini

Franc-Parler: Je vous posais cette question, car certains parents envoient leurs enfants, surtout les petites filles, à l’école de ballet pour donner une école de vie…
Gil Roman: Ça a été vrai pendant très longtemps, parce que la danse est une discipline très difficile, mais actuellement la danse classique se casse un peu la gueule quand même. Donc, il y a un manque de discipline dans l’enseignement de la danse. Et il y a une discipline qui est souvent une discipline mal comprise et qui devient une discipline bêtement fascisante. Le problème, c’est qu’on est dans une société qui s’amollit. Moi quand j’étais gosse, le professeur nous donnait des coups de baguette et des gifles. Maintenant, les professeurs n’osent plus toucher un enfant de peur de se faire insulter par cette espèce d’ambiance imbécile et c’est une grande erreur. Dans la danse en plus, si on ne touche pas un corps, on ne comprend pas un corps. On le sait dans tous les arts martiaux, on le sait partout. Si on veut faire lâcher l’énergie, on doit taper sur l’épaule d’un coup net. Comment voulez-vous faire comprendre à un corps, c’est le corps qu’on éduque, autant que l’esprit, si on ne le touche pas? C’est impossible. Avec cette espèce de mentalité, les professeurs seront de moins en moins bons. En plus, avec le système qu’on a instauré en France, je suis absolument contre de faire des diplômes de professeurs, soi-disant c’était pour éviter les mauvais professeurs. Les mauvais professeurs, on n’y allait pas. Au bout de trois élèves qu’ils avaient foutus en l’air, plus personne n’allait voir ces professeurs. Ça se faisait comme ça et c’était naturel. Il y avait des professeurs de génie qui n’avaient jamais étudié, qui passaient simplement ce qu’ils avaient appris sur scène. Maintenant, on peut être professeur sans être allé sur scène. On peut être professeur en ayant étudié dans les livres, et on a un diplôme, et on n’a jamais dansé de sa vie et on sait tout. On sait tout, sauf qu’on n’est pas danseur et qu’on ne formera jamais un danseur. Donc, la danse, cet art, il faut vraiment y faire attention, le regarder et agir en conséquence.
 
Juillet 2002
Propos recueillis: Éric Priou
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