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William Vidal, directeur d’Écocert, certificateur bio
Article mis en ligne le 1er mai 2002
dernière modification le 23 mai 2023
Les produits biologiques - Bien dans son assiette
 
Les consommateurs prennent de plus en plus conscience de l’importance de la nourriture sur leur santé et de l’impact des modes de production sur la qualité de l’environnement. Ils se tournent vers les produits de l’alimentation biologique. Ces derniers ne peuvent bénéficier de cette appellation que s’ils répondent à des critères bien définis. C’est là qu’interviennent des sociétés de certification telles Écocert, la plus importante d’Europe, dont le directeur nous éclaire sur les enjeux du produire et manger sain.
 
Franc-Parler : Qu’est-ce qui vous a poussé à créer Écocert ?
William Vidal : C’est une longue histoire. Pour ma part, de tout temps, même étant petit, j’étais toujours attiré par les aspects naturels, tant végétaux qu’animaux. Et en grandissant, je me suis orienté tout naturellement vers une carrière agricole. Et j’ai constaté dans mes études, très rapidement, que les méthodes intensives ne correspondaient pas à la vision que je me faisais intuitivement de ce que pouvait être une agriculture respectueuse de l’environnement et du consommateur. Être agriculteur, c’est faire le plus beau métier du monde, encore faut-il le vivre, mais ce qu’on a fait aujourd’hui de l’agriculture ne correspond pas du tout à tout cela. Et j’ai trouvé sur les travaux de l’agriculture biologique quelque chose qui correspondait très directement à ce que je ressentais. Et je me suis dit qu’il fallait faire connaître ce mode de production agricole, que c’était certainement le meilleur service qu’on pouvait rendre à l’environnement et aux consommateurs. Et j’ai considéré que la meilleure façon, c’était que les produits biologiques soient réellement biologiques et que le consommateur puisse acheter en toute confiance les produits biologiques afin qu’il en achète de plus en plus et que l’agriculture biologique ait un impact sur l’environnement de plus en plus grand. Partant de là, de cette réflexion, nous avons mis en place des méthodes en toute indépendance, d’une grande rigueur qui permettent de dire aujourd’hui que les produits certifiés par Écocert sont des produits fiables et de confiance.
 

Franc-Parler : Quelles sont les caractéristiques des produits biologiques français ?
William Vidal : Ils obéissent au règlement européen. Donc, là-dessus on peut dire qu’un produit certifié français en France est conforme au réglement européen et en France, on a ce qu’on appelle le logo AB qui est une marque de reconnaissance au niveau français qui va un tout petit peu plus loin au niveau de la traçabilité, au régime des matières premières. Les deux principes de base de l’agriculture biologique, d’une manière générale en dehors de la réglementation, c’est en premier nourrir le sol pour nourrir la plante justement pour avoir un processus lent de nutrition de la plante afin d’avoir un produit élaboré au final. C’est très important, parce qu’actuellement, l’essentiel des engrais sont solubles. On met dans le sol ces engrais solubles et comme la plante se nourrit préférentiellement de soluble à travers une solution nutritive, les engrais passent directement comme une perfusion dans la plante. Donc, elle se gave de ce qu’on lui apporte : de l’azote, du phosphore, de la potasse, mais elle ne vit pas. C’est très rapide, elle pousse très vite et elle a une croissance, disons luxuriante, mais exagérée et elle tombe malade. Elle a des sèves et il y a une régulation naturelle qui vient : les insectes arrivent pour détruire finalement une plante malade. C’est un peu comme un enfant qui a poussé trop vite : il ne peut pas courir, parce qu’il va se casser. Il est sensible, il a froid tout de suite, il n’est pas endurci. Alors qu’avec la nutrition organique du sol, vous avez un processus lent de décomposition de matières organiques qui amène progressivement des nutriments complexes, pas seulement sous forme soluble. Il y des molécules complexes organiques qui passent directement dans la plante, ce qui donne la notion de terroir aux produits biologiques. C’est-à-dire qu’à partir du moment où il y a une nourriture organique, l’humus est représentatif du type de sol et donne un goût au produit. On le sent très bien dans certains vins, qui est lié à l’effet du sol, qui est lié à la géologie du sol.
Le deuxième principe de base, c’est pas de molécule organique de synthèse. C’est un principe de précaution, parce que dans la nature, une molécule qui n’existe pas naturellement, les processus vivants ne sont pas armés pour la traiter. Ça peut fausser les processus biochimiques dans les cellules vivantes, notamment dans le corps humain. Donc, ça peut donner des maux, dévier toutes les élaborations biochimiques, mais ça peut aussi provoquer des proliférations de cellules, des cancers, ou provoquer des dysfonctionnements hormonaux. Tout cela est tellement subtil, qu’une molécule qui n’existe pas dans la nature, qui se promène dans le corps humain amène énormément de maux. Et je pense qu’aujourd’hui, vu les tonnages qui existent en pesticides, qu’une bonne partie des problèmes de santé de la population humaine résultent de l’utilisation de ces molécules organiques de synthèse.
 

Franc-Parler : Comment applique-t-on ces grandes lignes de l’agriculture biologique ?
William Vidal : Pour le sol, on doit utiliser des engrais organiques. On ne peut désherber que mécaniquement, toute intervention sur des animaux doit être avec de l’homéopathie ou des produits naturels. S’il y a une maladie grave, on peut traiter, mais à ce moment-là, l’animal est exclu du circuit ou le lait est exclu du circuit pendant un certain temps. On doit aussi se protéger de l’environnement, on peut avoir une parcelle en agriculture biologique, mais peut-être que le voisin va traiter. Donc, on doit vérifier la distance, les vents dominants. Globalement dans les processus de transformation, on ne doit pas utiliser d’additif interdit. C’est-à-dire qu’il y a une liste positive d’additifs simples et connus qui sont utilisés. Donc, on décline comme ça tout au long de la filière du producteur au consommateur toutes les méthodes de production, de transformation, de conditionnement. On ne doit pas utiliser des gaz spécifiques, on ne doit pas utiliser en stockage des insecticides, etc. Le métier d’Écocert, c’est de vérifier dans chaque profession, toutes les étapes du processus de production et de transformation, pour arriver à un produit qui a respecté jusqu’au bout le cahier des charges et qui en plus est tracé. C’est-à-dire que l’on est sûr qu’un produit qui a été élaboré par un paysan va être celui qui va être transformé par le transformateur et qui au final, arrivera bien au consommateur. Donc, on suit le produit à toutes les étapes de la chaîne.
 

Franc-Parler : Des vérifications qui se font de quelle manière ?
William Vidal : On a des comptabilités matières qui nous permettent de voir quantitativement si ce qui rentre ressort bien. On fait après des analyses qualitatives pour voir si on a affaire aux mêmes variétés, s’il n’y a pas de pesticides, etc. et on fait des recoupements entre opérateurs. C’est-à-dire que dans une filière, on va vérifier ce qui a été vendu par un producteur et ce qui a été acheté par un transformateur. Tout cela est un contrôle global qui fait qu’on a une vision d’ensemble de la filière et ce qui nous permet de garantir que le consommateur mange bien ce qu’il a souhaité acheter et les raisons pour lesquelles il l’a acheté.
 

Franc-Parler : Ce type d’agriculture n’est-il pas réservé à des pays riches ?
William Vidal : Non, l’avantage de l’agriculture biologique, c’est que c’est une agriculture totalement autonome. C’est-à-dire qu’on rend autonomes les populations, elles peuvent produire avec ce qu’elles ont sur place. Elles n’ont pas besoin d’acheter des engrais. Parce que le FMI et la Banque mondiale, qu’est-ce qu’ils ont voulu faire ? Ils ont créé des besoins dans des pays en voie de développement et pour payer ces besoins, on leur a dit : « Il faut exporter » et pour exporter, on leur a dit : « Il faut produire beaucoup. » On leur a collé un système avec des pollutions, tous les inconvénients qu’on avait. On a exporté ces inconvénients dans ces pays et puis au bout d’un moment, on s’est aperçu que les gens perdaient leur culture, leur savoir-faire. Le tissu rural se délitait, ils allaient tous en ville, ça faisait des bidonvilles. C’est une catastrophe. C’est criminel le développement actuel. Les gens ont tout perdu, ils ont perdu leur culture, leur lieu de vie, leurs terres, leur santé, ils ont tout perdu. Et vive le développement ! Je pense qu’il faut quand même réagir parce qu’entre le réchauffement planétaire, les pollutions, les santés qui se dégradent, les terres qui s’en vont en poussière en Afrique ou ailleurs, il est temps qu’on se bouge.
 
Mai 2002
Propos recueillis : Éric Priou
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