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Le duo d’accordéonistes Les Délinquante
Article mis en ligne le 14 novembre 2017
dernière modification le 25 mai 2023
Les Délinquante : duo d’accordéon de choc
 
Lorsque deux musiciennes formées à l’accordéon, classique d’un coté, plutôt jazz mâtiné de métal se croisent sur les bancs du conservatoire, cela ne peut donner qu’un duo atypique : Les Délinquante (écrit sans faute). Douze ans sans une ride et leurs accordéons n’ont pas fini de nous faire vibrer en France ou sous d’autres cieux.
 
© Franc-Parler

Franc-Parler : Merci d’accepter de répondre à toutes les questions très très difficiles. Alors, je ne suis pas la police, ne vous inquiétez pas. Parce que « Délinquante », un petit peu, ça m’a inquiété au départ. D’où vient ce nom ?
Céline : Alors, c’est rigolo parce que ça fait douze ans que le groupe existe et en France, on nous pose souvent cette question et on a décidé il y a une petite année d’écrire une chanson qui s’appelle, je suis désolée, ça s’appelle Ferme-la ! Et c’est justement pour tous les gens qui venaient nous dire : « Mais pourquoi vous vous appelez Délinquante ? Est-ce que vous êtes sœurs ? Est-ce que vous êtes lesbiennes ? » Tout ça. Donc, en fait, en France, on a décidé de ne plus répondre à cette question, mais ici, pour vous, on va le faire bien volontiers.
 
Franc-Parler : Je vous remercie.
Céline : Voilà. En fait, Délinquante, c’était une façon de… Nous à la base on est accordéonistes, et c’est vrai que qui dit accordéon, dit, musette ou éventuellement, new-musette, jazz. C’est un peu comme au Japon, l’accordéon, il est dans un cadre qui est bien délimité comme ça. Un joli petit carré et nous en fait, on avait envie de sortir de ce carré sans savoir vraiment ce qu’on avait envie de faire avec cet accordéon. C’était notre outil mais on était encore dans l’exploration de ce qu’on pouvait faire avec ça. Et on s’est dit que pour démarrer, le nom Délinquante, de suite ça allait identifier, ça allait soulever la différence voulue. Au départ, c’était vraiment un clin d’œil et puis un coup de gueule aussi au milieu de l’accordéon. Voilà ! Et après, c’est délinquante sans « s ». C’est-à-dire que c’est délinquante au singulier. Pour plusieurs raisons, déjà parce qu’on trouve qu’il y a un côté beaucoup plus » chic » entre guillemets à s’appeler Délinquante que Les Délinquantes.Voilà pour faire simple. Et puis aussi c’est vrai, que ça soit Claire ou moi, quand on est séparées, on est des mamans, on vit notre vie, notre petite vie et puis quand on se retrouve, c’est un carnage.
Claire : C’est pas vrai, on est plutôt cool. Même parfois un peu réservées.
 
Franc-Parler : Un peu réservées ? Parce que sur scène…C’est un côté un petit peu extraverti.
Claire : Oui absolument, mais dès qu’on est ensemble, c’est un peu comme si on était tout le temps sur scène.
Céline : Après, c’est vrai que dans la vie, on a tellement ce truc-là, de pouvoir faire ce qu’on a envie de sur scène et de… On n’a pas de limites et on sait que de toutes façons, quoi qu’il se passe, ça va bien se passer parce qu’on est toutes les deux. Donc, sur scène, on se permet des choses qu’on ne se permettrait évidemment pas dans la vraie vie. Mais du coup, dans la vraie vie, on n’a pas ce besoin, on a plein de gens autour de nous qui nous disent : « Mais toi, tu fais quoi pour l’adrénaline, tu sautes à l’élastique ? » Ben non, moi mon métier, c’est mon adrénaline, quoi !
 
Franc-Parler : Je vois qu’il y a des questions interdites…
Claire : Non, c’était la seule.
 
© Guillaume Tauveron

Franc-Parler : Donc, il y a Céline et Claire. Mais les noms de famille, je ne les ai pas trouvés…Peut-on les connaître ?
Claire : Nos noms ? (rires) Alors, moi je m’appelle Bernardo. Claire Bernardo comme dans Zorro.
Céline : Et moi, je m’appelle Céline Ribaud. Maintenant on l’assume assez bien, mais quand on a démarré Délinquante, on n’avait pas envie d’être identifiées comme individus Claire Bernardo et Céline Ribaud. C’étaient Céline et Claire du groupe Délinquante. Ça nous permettait aussi de nous laisser un petit peu de vie privée parce que c’est vrai que la vie publique, elle n’est pas toujours facile à gérer. On a des familles, c’est-à-dire qu’il y a plein de gens. La majeure partie des gens sont sains et ne vont pas chercher à rentrer dans cette vie privée, mais ça arrive parfois. Et c’était un petit peu pour nous protéger de tout ça. Après, on a trouvé d’autres façons de le faire, donc il n’y a pas de souci.
Claire : En fait, on a eu une grosse période où on recevait des choses à la maison. Les gens allaient carrément chercher nos adresses. C’était spécial parce que nous était un petit groupe, on démarrait. On est toujours d’ailleurs un petit groupe même si on fait beaucoup de concerts et tout ça, on ne se considère pas comme des gens connus. Mais il y a eu une espèce de moment avec Délinquante où on a signé avec une production parisienne. On est passées à la télé et là d’un coup, ça a fait une espèce de buzz et les gens allaient carrément chercher nos adresses perso, nous envoyaient des choses. Des fois, on retrouvait des gens devant la porte. C’était vraiment assez intrusif. On a décidé à partir de là de tout changer. Moi, j’ai déménagé mais Céline, elle avait acheté sa maison. Et en fait, on a changé nos téléphones portables, on a enlevé nos noms, on a fait du tri. Et on a été un tout petit peu… même si on est très proches des gens en général, on a quand même mis une espèce de distance. Une fine distance.
 
Franc-Parler : Alors, la rencontre entre deux accordéons et deux accordéonistes, comment ça s’est fait ?
Claire : On était toutes les deux au conservatoire de Marseille. Moi, je faisais de l’accordéon classique, des bases chromatiques. On appelle ça comme ça. Céline faisait plutôt de la variété jazz et on travaillait dans la même salle mais en fait, il y avait des box, un peu comme les chevaux. C’était une immense salle avec plusieurs toutes petites salles à l’intérieur et on était chacune dans un box complètement différent. Et on ne se croisait pratiquement jamais quoi. Et en fait, moi j’ai eu un amoureux, à un moment donné, qui était son copain.
Céline : Qui était mon ami.
Claire : Je n’ai pas piqué son mec, quoi.
Céline : C’était mon très bon ami de Marseille.
Claire : Et puis on a commencé à être copines à ce moment-là. Mais sinon, il y avait quand même une petite différence d’âge qui faisait que… À ce moment-là, on n’avait pas grand chose…
Céline : Moi, je ne l’avais pas vue en fait. On avait quatre ans de plus alors, quand on a 14 et 18 ans, quatre ans, c’est énorme. Donc, moi j’étais avec mes copains qui avaient 18-20 ans et il y avait la petite-là comme ça. Et elle, ça l’énervait énormément que je ne la voie pas du haut de mes 1,82 mètres.
Claire : Moi, j’étais une vraie Marseillaise, enfin j’ai changé parce que j’ai voyagé, mais j’étais vraiment la Marseillaise de base qui s’énervait dès qu’on la regardait un petit peu. En plus j’avais des cheveux bleus. J’avais un peu le look de certaines filles d’ici, un petit peu le look manga. C’était une espèce de look entre le manga et le babos.
Céline : Ça lui appartenait, quoi. (rires)
 
© Guillaume Tauveron

Franc-Parler : Ça veut dire qu’en fait pour vous, l’accordéon ça peut mener à tout. L’instrument n’est pas cantonné comme autrefois au musette, mais vous pouvez faire tout ce que vous voulez avec…
Céline : C’est peut-être parce que c’est notre instrument mais moi, je trouve que c’est un des instruments qui amènent à tout ça. C’est-à-dire que c’est un instrument mélodique, c’est un instrument polyphonique, c’est un instrument rythmique et c’est un instrument qu’on retrouve quasiment dans toutes les cultures du monde entier. Il y en a au Maghreb, il y en a ici en Asie, il y en a en Amérique du Sud, en Amérique du Nord. Et du coup, c’est vrai que l’ouverture, elle est énorme. Il y en a dans le métal, il y en a dans le classique. Si on s’intéresse un peu à cet instrument, on se rend compte qu’il est partout. Alors, si ce n’est pas l’accordéon tel qu’on le connaît aujourd’hui, ça peut très bien être ses ancêtres. Je trouve que c’est un instrument qui est vraiment incroyable pour ça, quoi.
 
Franc-Parler : Actuellement, vous êtes déjà dix ans (sic) ensemble…
Claire et Céline : Douze ans !
 
Franc-Parler : Grand changement donc, avec un développement à l’étranger.
Claire : Oui, mais on y est déjà allées un petit peu. On avait fait le Canada ensemble. La Suisse et la Belgique. On est allées en Roumanie aussi. Et puis maintenant ici aussi.
Céline : Oui, on a envie de ça. Vraiment.
 
Franc-Parler : Pourquoi ? C’est pour le voyage, pour l’avion …
Céline : Non, ce n’est pas pour l’avion.
 
Franc-Parler : …être plus riches ?
Claire : Non, non plus. (Rires) Non, c’est vrai qu’avec Délinquante, en douze ans de scène, on a fait près de 900 concerts en France et on prend toujours autant de plaisir à jouer là-bas. Après, c’est assez différent par région. Par exemple, on ne joue pas beaucoup en Provence-Alpes-Côte-d’Azur, dans le sud-est de la France. On joue pas mal dans le Nord, autour de Lille, on joue pas mal à Clermont-Ferrand. Enfin, on aime toujours autant jouer en France, mais c’est vrai qu’on a été l’année dernière au mois de juin aux États-Unis, à New-York, à Philadelphie. Et on a envie de découvertes, on a envie de rencontres, on a envie de se faire surprendre. C’est tout ça, le goût des voyages, le goût des autres, le goût de découvrir.
 
Franc-Parler : Pour vous, la voix est aussi importante que l’instrument ?
Claire : On chante, mais on n’a jamais appris à chanter. Oui, dans ce qu’on fait, c’est aussi important. En fait, c’est pas tant la voix, c’est le texte. Le texte est aussi important que la musique qu’on fait à l’accordéon.
 
© Guillaume Tauveron

Céline : C’est vraiment une très bonne question parce que c’est quelque chose dont on discute beaucoup en ce moment. Ça fait douze ans. Nous, on s’est considérées comme à la base des accordéonistes. On a toutes les deux fait le conservatoire, on a eu toutes les deux le prix du conservatoire. On a bossé comme des dingues pendant des années huit heures par jour notre accordéon. Donc, c’est un instrument qu’on maîtrise. On s’est toujours senties accordéonistes et en fait quand on a monté ce projet de Délinquante, c’était pour faire quelque chose de nos accordéons. Au jour d’aujourd’hui, il y a douze ans qui se sont passés, on a des choses à dire avec nos chansons. On travaille avec des auteurs sur les textes, tout ça. Et on se rend compte que finalement, on n’a peut-être pas laissé assez de place à cette voix justement et à ce texte. On a toujours pensé accordéon. Donc, là, on est, je trouve, en pleine mutation où on essaie tout en utilisant notre accordéon, en essayant de faire des choses pointues parce qu’on est exigeantes, on travaille beaucoup. Puis on est perfectionnistes. Donc, ça c’est sûr que ça ne va pas changer, mais en tout cas, on est dans la prise de conscience de l’importance de la voix et de ce qu’elle véhicule.
 
Franc-Parler : Alors, votre public en France, est-ce qu’il est très réactif ?
Céline : Oui, évidemment, il est très réactif, mais après c’est chaque fois c’est tellement différent.
Claire : En fait on a construit le spectacle sur une espèce de fil. On est toujours sur ce fil-là. On a des trucs entre les morceaux, on sait qu’on va aller dans cette direction. Il y a même des mots. C’est des espèces de « top » pour nous pour que l’autre parle et qu’on ne se marche pas sur les pieds. Et en même temps, il y a tellement tout le temps de réactions complètement différentes du public qu’on joue vachement avec ça et il y a beaucoup d’impro dans le spectacle. Mais c’est toujours de l’impro cadrée. On sait toujours où on va aller.
 
Tokyo, le 21 avril 2017
Propos recueillis : Éric Priou
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